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Atelier régional de restitution du projet EJMAO « Emploi des jeunes et migration en Afrique de l’Ouest »

Publié le 20 février 2015

L’Atelier régional de restitution du projet « Emploi des jeunes et migration en Afrique de l’Ouest » a eu lieu le jeudi 12 février 2015 à Dakar, sous la présidence de Dr Papa Abdoulaye Seck, Ministre de l’Agriculture et de l’équipement rural et de M. Demba Diop Directeur de cabinet du Ministere de la jeunesse, de l’emploi et de la construction citoyenne. La cérémonie d’ouverture a été rehaussée par la présence de son Excellence M. Philippe Beaulne, Ambassadeur du Canada au Sénégal, ainsi que des partenaires techniques et financiers dont Mme Clarisse Liautaud Chargée de Mission à l’AFD et M. Flaubert Mbiekop Responsable de Programme Principal du CRDI et du représentant de l’UEMOA. Ce dernier a pris part, aux côtés du représentant du ROPPA, du secteur privé et du Directeur de Cabinet, à la table ronde consacrée aux perspectives de création d’emploi pour des jeunes a la recherche de la productivité.

Les pays d’Afrique Subsaharienne, confrontés simultanément à une transition démographique inachevée et une transition économique embryonnaire, font face aujourd’hui à une arrivée massive de jeunes sur le marché de l’emploi, alors que les opportunités d’emploi restent limitées. En effet, cette partie du continent enregistre une forte poussée démographique qui ne s’estompera que vers les années 2050. La population estimée en 2008 à 850 millions d’habitants passera à 1,1 milliard en 2025 et à 1,7 milliard en 2050 (Losch et al. 2008). La croissance de la population active constitue dans ce contexte une opportunité majeure, mais aussi une menace pouvant secréter des tensions importantes si les économies ne génèrent pas suffisamment d’emplois.

Le Projet EJMAO mis en œuvre au Burkina Faso, au Mali et au Sénégal respectivement par le CEDRES, MISELI et l’IPAR vise : i) une meilleure connaissance des marchés de travail ruraux ; ii) une identification du profil des jeunes migrants et des stratégies d’insertion qu’ils développent ; et iii) la mise à disposition des décideurs politiques d’informations de base nécessaires pour une meilleure formulation de politiques inclusives permettant de relever le défi de l’emploi.
Dans chaque pays, les enquêtes ont visé environ 1500 ménages partagés entre une zone pluviale et une zone irriguée. En outre, 500 migrants ont été ciblés en milieu urbain. Des enquêtes qualitatives ont également été conduites en milieu rural et urbain.

A l’ouverture de l’atelier régional de restitution, Dr. Papa Abdoulaye Seck Ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural, a appelé à « créer les conditions d’un exode urbain massif vers les zones rurales ». Pour y arriver, ajoute-t-il, l’une des conditions est de mettre en place en Afrique une agriculture forte qui peut tirer profit de la mondialisation. La mise en œuvre d’une politique foncière qui prend en compte les aspirations des jeunes et des femmes, la sécurisation de l’investissement privé et familial, l’assainissement de l’environnement de la production et la génération de l’emploi rurale est nécessaire. ‘’La génération d’emplois ne se décrète pas, elle se construit », a-t-il soutenu. D’où, l’importance, selon lui, des structures de recherches qui permettent d’avoir des regards critiques sur ce que font les gouvernements africains.

L’étude intitulée « Emploi des jeunes et migrations en Afrique », menée avec l’appui du Centre de recherche pour le développement international (CRDI) et de l’Agence Française de Développement (AFD), a tenu compte de deux caractéristiques principales : les zones où la maîtrise de l’eau est assurée et les zones où le système dominant est l’agriculture pluviale.

Elle révèle pour le Sénégal, que le taux d’activité des jeunes dans les zones agricoles du Bassin arachidier (Centre), des Niayes (banlieue dakaroise) et du Delta (Nord) demeure très élevé. ‘’Les actifs représentent plus de la moitié de la population soit 60% pour le Bassin arachidier, 76% pour les Niayes et 70% pour le Delta ». Cette présence relativement élevée des actifs s’explique, en grande partie, par l’importance des activités agricoles qui représentent le premier secteur d’emploi dans les trois zones d’étude.
Le rapport de masculinité affiche un équilibre relatif homme/femmes pour les actifs de manière générale, en particulier pour les jeunes de 15-34 ans. Par contre, le ratio de dépendance est bien moins favorable pour le bassin arachidier (0,7) alors qu’il est plus bas dans les Niayes (0,3) et au Delta (0,4).
Les actifs des ménages se caractérisent par un faible niveau d’instruction. Dans les trois zones, la proportion des actifs sans niveau scolaire est très élevée surtout dans le Bassin arachidier (41%) et les Niayes (44%).

Concernant les ressources, les enquêtes révèlent que 88,7% de jeunes en zone rurale ne détiennent aucune ressource. Une forte majorité de jeunes chefs d’unité de production agricole (92,1%) déclarent détenir des terres par emprunt, prêt, ou location. Seuls 4,8% de ces jeunes disposent de terre soit 4% de femmes contre 5,4% d’hommes.
IL en ressort que la migration est assez importante dans le Bassin arachidier et les migrants représentent en moyenne 15% des effectifs des ménages contre 6% dans les Niayes et 4% dans le Delta.

« Le monde s’urbanise. Nous ne réfléchissons pas en termes d’inversion. Il faut faire en sorte que le monde rural continue d’avoir des aménités, c’est-à-dire créer des opportunités pour que les gens travaillent. On se rend compte que les zones d’agriculture pluviale sont des zones à risques, où il y a un départ important de migrants ruraux qui quittent pour aller soit dans les zones urbaines soit dans les zones à agriculture irriguée », a souligné Dr Ibrahima Hathie, directeur de la recherche à l’Ipar.

Dr Hathie a par ailleurs explicité : « Parmi les résultats que nous avons trouvés, nous avons confirmé notre hypothèse de départ que les marchés de travail dans les zones pluviales sont des marchés où la demande de travail n’est pas très importante. Il y a bon nombre de jeunes qui n’ont pas d’activités en dehors de trois mois d’activités et qui sont obligés de partir. Nous avons vu aussi que ceux qui partent vont généralement en milieu urbain et on s’est rendu compte que les revenus de ces derniers, même s’ils sont modestes, sont plus importants que ce qu’ils ont sur place ». Cela veut dire, souligne t’il, que dans les zones de départ, il faudrait des politiques publiques qui permettent de créer cette demande-là, notamment en investissant davantage dans la maîtrise de l’eau, en faisant en sorte que les chaînes de valeurs puissent être développées pour qu’au-delà des productions, on travaille plus sur l’aval des filières et qu’on offre beaucoup plus de possibilités. Malgré les problèmes, c’est l’agriculture qui reste la principale pourvoyeuse d’emplois dans cette zone. »
L’absence de formation, l’inaccessibilité au foncier et aux capitaux (financier et social) sont les principaux obstacles au travail des jeunes surtout dans les campagnes.

Cherif Bodian - Photos : Joseph Diop - IPAR

 

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