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Autosuffisance en riz, le Sénégal loin du compte, selon Moustapha Tall

Publié le 5 février 2015

Ce n’est pas demain la veille la fin des difficultés de commercialisation de la filière sénégalaise de riz. A en croire l’importateur de cette denrée, Moustapha Tall, les mesures décidées en Conseil présidentiel sur le riz local ne porteront pas leurs fruits. Pourquoi ?

 

« Parce qu’on n’a pas encore le bon chemin. Le chemin qu’ils adoptent n’est pas approprié. Il faut qu’ils revoient un peu leur copie. Quand tu veux faire quelque chose et que tu as toute la volonté du monde mais que tu ne changes pas de stratégie, un jour tu te rendras compte que tu butes toujours sur les mêmes obstacles. Donc, il vaut mieux essayer, à un moment donné, de faire une rétrospection. Et, cette rétrospection, seuls les anciens peuvent le faire. Ceux qui étaient là hier, avant-hier et aujourd’hui. Mais, vous ne pouvez pas le faire avec quelqu’un qui vient d’arriver et qui ne connaît rien du tout du secteur.

C’est pour cette raison que j’ai été reçu par le président Me Abdoulaye Wade en 2003 pour parler des problèmes liés à la mauvaise libéralisation du riz. Cette mauvaise libéralisation a été faite par l’ancien régime socialiste de Diouf. Ce régime n’avait pas voulu libéraliser mais c’était sur instruction expresse et urgente des bailleurs de fonds, par l’intermédiaire de l’Usaid. Elle est totalement intervenue en 1995 et partiellement en 1989. Nous étions que deux opérateurs, Bocar Samba Dièye et moi-même à commercialiser deux variétés de riz, entier et intermédiaire. Nous avons été convoqués tout simplement au Méridien par la directrice de l’Usaid pour nous signifier que désormais le marché est libre, en brandissant le décret. Elle avait dit que c’était la bonne nouvelle. J’ai levé la main pour dire que ce n’est pas une nouvelle pour moi. Parce que si l’on veut libéraliser totalement le riz alors qu’on l’a partiellement fait en 1989, il fallait qu’on nous rappelle pour qu’on fasse l’état des lieux pour dire ce qu’il faut faire. Donc, tout ce qu’on fait pour vous et sans vous est contre vous. C’est pour cela que j’ai dit que ce n’est pas bon. Il faut qu’on arrête cette libéralisation. Mais, on me dit que c’est trop tard parce que le décret est signé.

Donc de 1989 à 1995, on n’avait pas la ligne bancaire pour assurer les importations. Parce qu’un bateau de riz, c’est des milliards et il fallait avoir une ligne de crédit. Et, tout le monde sait ce qu’est une ligne de crédit dans une banque. Il faut donner les garanties nécessaires et on nous a jeté dans la gueule du loup sans préparation. Donc, cette libéralisation n’était pas pour nous mais pour les multinationales qui se plaignaient auprès des institutions de Bretton Woods pour dire que les appels d’offres sont toujours téléguidés par des dessous de table. Ce qui fait qu’elles n’arrivaient pas à gagner des marchés. Certains qui se plaignaient ont diabolisé l’Etat du Sénégal avec cette gestion. C’est là que les bailleurs de fonds ont demandé à l’Etat de se retirer du secteur. Et, il s’est retiré sans préparer la relève. »

Source : http://www.walf-groupe.com/actualites/economie/4930-autosuffisance-en-riz-le-senegal-loin-du-compte-selon-moustapha-tall