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Etude sur l’assurance indicielle liée au crédit agricole au Sénégal : Trois questions au coordonnateur

Publié le 2 octobre 2017

Cette étude financée par l’International Initiative for Impact Evaluation (3ie), a mobilisé des chercheurs de l’UGB, de l’IPAR du CRDES et de l’ODI. En partenariat avec la CNAAS, Planet Guarantee Sénégal, l’ONG ADG et l’Organisation Paysanne COOPEC/RESOPP, elle a permis d’analyser les déterminants de la demande d’assurance agricole indicielle des bénéficiaires du projet OSIRIS (Offre de Services Intégrés en Milieu Rural pour l’Inclusion Sociale) dans les régions de Kaolack et Fatick.

Question : Que peut-on comprendre par assurance indicielle ?

Mame Mor Anta Syll : L’assurance agricole basée sur un indice climatique appelée aussi assurance indicielle est un instrument privé qui permet aux producteurs de transférer les risques agricoles liés aux variabilités du climat à un assureur. Sa particularité vis-à-vis de l’assurance agricole classique est qu’ici, les indemnisations sont déclenchées par un indice calculé sur la base de relevé pluviométriques au sol, de données satellitaires, ou de l’historique des rendements.

Ces indices sont dus être corrélé au maximum possible avec les dégâts effectifs que les variabilités du climat pourraient engendrés sur les cultures assurées. C’est l’absence d’une corrélation élevée entre ces indices et les dommages effectifs qui est parfois à l’origine de la réalisation d’un risque de base positif (des producteurs non sinistrés qui se retrouvent indemnisés), ou négatifs (des producteurs sinistrés qui ne sont pas indemnisés). Pour le cas du Sénégal, le risque de base est heureusement assez maitrisé pour l’indice pluviométrique grâce à une collaboration entre la CNAAS, l’ISRA, l’ANACIM, le CIRAD et Planet Guarantee.

D’autres acteurs tels que le GIIF de la Banque Mondiale, la Coopération Canadienne, le BIT, l’USAID/Nataal Mbay, la BOAD, le PAM et OXFAM à travers le programme R4 appuie aussi ce produit d’assurance qui semble être l’avenir de l’assurance agricole dans la sous-région. En effet, l’Etat du Sénégal en a fait une priorité en subventionnant les primes à hauteur de 50%. Aujourd’hui, malgré les coûts élevés de conception de ces produits d’assurances, les primes tournent autour de 9 000 francs CFA par ha dans le bassin arachidier.

Aujourd’hui plus de 20 000 producteurs sénégalais bénéficie d’une assurance indicielle au Sénégal avec un taux de sinistralité d’environ 40%. Ce qui veut dire qu’il s’agit d’une assurance qui marche bien avec des sinistrés qui sont remboursés à temps à la fin de chaque campagne agricole. La valeur de l’assurance indicielle aux yeux des producteurs qui l’achètent semble se trouver dans la possibilité que leur offre cette assurance de rembourser jusqu’à 80% de leur prêt agricole en cas de sinistre. Les organisations paysannes ont compris cela et certains d’entre eux obligent même leur membre à s’assurer car cela permet à l’organisation de ne pas subir trop de pertes sur les intrants agricoles qu’elle avance au début de l’hivernage sous forme de crédit.

Question : Pensez-vous que cela puisse impacter positivement la condition de l’agriculteur sénégalais ?

Mame Mor Anta Syll : Pour ce qui est de l’impact positif que pourrait avoir l’assurance indicielle, je vais partager l’expérience d’un producteur que j’ai enquêté en 2015, à Guinté Khaye à Kaolack, dans le cadre d’une étude sur la disposition des producteurs à payer pour ce produit d’assurance. Il s’est passé que l’organisation paysanne à laquelle le producteur est affilié avait demandé à tous ses membres de payer les droits d’inscription pour la campagne agricole en cours et avait inclus dans ces droits une prime d’assurance indicielle.
A cause d’un déficit pluviométrique noté durant l’hivernage, l’indice pluviométrique a déclenché et l’assureur à rembourser à la coopérative un pourcentage du capital investi par chaque producteur. Ainsi, les producteurs ne devaient rembourser qu’une partie des prêts qu’ils avaient contactés en termes de semences et d’engrais auprès de leur coopérative.

Certains producteurs qui n’avaient pas l’information de leur souscription à l’assurance se sont vu retourner une partie de l’argent qu’ils étaient venus rembourser à la coopérative à la fin de la campagne. Ils étaient agréablement surpris, selon ce producteur enquêté, quand on la direction de la coopérative leur a annoncé que l’assurance avait payé une partie de leur dette pour eux et qu’ils pouvaient retourner avec une partie de l’argent qu’ils étaient venu verser à la caisse de la coopérative.
Je pense que c’est à ce niveau que l’assurance peut impacter le développement de l’agriculture et par là le niveau de vie des producteurs.

En effet, elle apporte plus de sécurité et de confiance dans le marché du crédit agricole lorsqu’elle est liée avec elle. Cela permet d’améliorer l’accès au crédit et le niveau des investissements agricole en éviter au producteurs de tomber à des niveaux de pauvreté plus sévères à cause d’un surendettement que pourrait causé une perte de récolte. Donc, si les politiques d’accompagnement idoines sont prises en termes d’accès au crédit, de réforme agraire etc. on pourrait assister en intégrant l’assurance indicielle dans les chaine de valeur une intensification de la production des agricultures familiales pour une amélioration des conditions de vie en milieu rural.

Question : Peut-on avoir une idée, une tendance générale des résultats auxquels vous avez abouti ?

Mame Mor Anta Syll : Notre étude s’est intéressé à la question des déterminants de l’assurance indicielle et principalement à la question du mode de liaison de celle-ci au crédit agricole. Faut-il obliger aux producteurs qui demandent un crédit agricole à s’assurer pour sécuriser le financement qui leur est alloué ou faudrait-il leur laisser le libre choix ? En inde par exemple une loi qui oblige aux producteurs qui prennent un prêt agricole à s’assurer a été introduite et s’applique depuis quelques années. Au Sénégal, la décision de lier l’assurance librement ou volontairement avec le crédit agricole dépend de négociations entre l’assureur et les organisations paysannes et institutions de crédit d’une part et entre ces institutions (organisations paysannes surtout) et leurs membres d’autres part. Certains parviennent à convaincre tous leurs membres de s’assurer et d’autres non.

Notre étude a concerné les producteurs affiliés à la COOPEC/RESOPP en tant que institutions de crédit d’une organisation paysanne et dans le cadre du projet OSIRIS (Offre de Services Intégrés en milieu rural pour l’inclusion Social). Nos résultats ont montré que quel que soit le mode de liaison de l’assurance au crédit (obligatoire ou volontaire) 72% Des agriculteurs qui veulent du crédit agricole sont prêts à l’acheter. Toutefois, ces résultats sont à placer dans le contexte du projet OSIRIS qui a permis une vaste formation et sensibilisation des producteurs, membres, je le rappelle, d’une organisation paysanne très structurés, le RESOPP.

De plus l’institution de crédit a permis aux producteurs de préfinancer la prime à crédit. Ce qui veut dire qu’ils pouvaient attendre la fin de la campagne agricole pour payer les primes. Cela est aussi un avantage certain de la liaison de l’assurance agricole au crédit car il permet de surmonter les contraintes de liquidités auxquels les producteurs sont confrontés au début de la campagne.

josephdiop@ipar.sn Cell_Com_IPAR