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Ibrahima Guèye, Directeur de l’emploi

Publié le 1er juin 2014

En marge de l’atelier de lancement du projet Emploi des jeunes et migration en Afrique de l’Ouest (EJMAO), Monsieur Ibrahima Gueye, Directeur de l’emploi, représentant le Ministre de la jeunesse, de la formation professionnelle et de l’emploi au Sénégal a répondu à nos questions.

Pouvez-vous revenir sur une brève présentation de l’état des lieux de l’emploi des jeunes au Sénégal ?

Nous avons fait le diagnostic des expériences que nos différents gouvernements ont toujours proposées pour l’emploi des jeunes : les programmes pour les maîtrisards chômeurs, le programme des ASC ndlr : (Association sportives et culturelles), le programme de financement des jeunes avec le FNPJ ndlr : (Fonds national de promotion de la jeunesse), le programme des fermes agricoles.
Nous avons fait l’inventaire de l’ensemble de ces expériences et par rapport aux erreurs ou peut-être aux insuffisances qui ont été constatées, nous avons proposé une démarche dans la nouvelle politique nationale de l’emploi au Sénégal, qui devrait permettre de corriger certains impairs et permettre d’aboutir à des succès escomptés en matière d’insertion des jeunes.

Quelles sont vos premières impressions par rapport au thème de ce projet ?
Mes impressions sont globalement positives d’autant plus que les conclusions des travaux ne sont pas encore disponibles mais au moins les thématiques retenues, l’inclination des organisations tournées vers le monde agricole et rurale sont autant d’arguments qui peuvent convaincre de la nécessité d’une bonne animation des différentes expertises et expériences qui sont présentes et avoir droit à des travaux, des conclusions qui pourront vraiment nous éclairer davantage dans la conduite et la programmation.

Quels peuvent être les avantages d’une telle recherche dans le contexte actuel du Sénégal par rapport à la question de l’emploi ?
La recherche est essentielle dans toute activité. Certains réclament une action parce qu’ils sont pressés de voir les résultats surgir mais la recherche fondamentale est un préalable. Donc il faudrait, de façon opérationnelle que nous puissions optimiser tout ce qui se fait en termes de recherche et mettre en action des opportunités qui pourront permettre que des travaux qui ont vraiment donné satisfaction ou qui correspondent à des besoins ou à des aspirations précises des populations puissent être traduits dans nos politiques publiques.
Je sais que c’est d’un apport considérable parce qu’il y a certaines problématiques qui sont devenues tellement complexes, multidisciplinaires qu’il faudrait avoir l’appui de recherches pointues pour nous permettre de ne pas nous tromper de démarches ou de voies et de pouvoir optimiser les orientations choisies et menées avec succès.

Aujourd’hui avec votre vision, est ce que l’économie rurale et les offres d’emploi en milieu rural sont une donne que vous intégrez dans votre démarche ? Si oui , quelles sont les orientations que l’état propose ?
L’agriculture constitue vraiment le secteur prioritaire parce qu’elle a été identifiée comme le secteur le plus pourvoyeur d’emplois. Nous sommes une économie essentiellement agricole et rurale donc ce serait paradoxale de rechercher des empois ailleurs.
On a beau créé ou s’orienter vers des secteurs, parfois peu pourvoyeurs d’emplois, les résultats seront toujours faibles. Il faudrait dans une approche préférentielle, aller vers les secteurs les plus porteurs d’emploi, les plus significatifs au niveau de notre économie or les différentes analyses, les différentes études ont montré que le secteur agricole et rural était le secteur le plus pourvoyeur d’emplois, c’est là que notre pays dispose vraiment de potentialités et d’opportunités qui peuvent permettre non seulement d’occuper une bonne partie de notre population mais aussi d’influer sur notre croissance en terme de plus-value, de productivité et d’avoir une économie émergente.L’un dans l’autre, on peut résoudre le problème de l’emploi des jeunes tout en s’inscrivant dans une démarche de placer notre économie dans une économie émergente.
Pour cela il faudrait s’appuyer sur des ressources productives qui pourraient faire diminuer les importations, augmenter les exportations, satisfaire la sécurité alimentaire et pouvoir donner une plus-value à notre économie.

Il a été beaucoup question, au cours de cet atelier de lancement, de la problématique genre et de l’accès des jeunes femmes à l’emploi. Par rapport à votre vision, comment intégrez-vous cette dimension dans votre démarche ?
C’est une problématique extrêmement importante mais qui peine à être correctement prise en charge. Souvent, du fait que c’est une nouveauté et aussi au niveau de nos structures publiques, l’expertise qui devrait accompagner une telle problématique n’est pas toujours disponible. C’est pourquoi on avait toujours suggéré avec le Ministère de tutelle que dans le cadre des recrutements de la fonction publique nous puissions mettre à la disposition de l’ensemble des structures publiques la capacité nécessaire.Il ne sert à rien d’avoir la vision sur le genre et d’avoir l’aspiration de résoudre les problèmes si nous n’avons pas l’expertise, la capacité d’intégrer dans nos programmes, dans nos activités l’aspect genre.
Souvent, certains se trompent en croyant que le genre c’est la femme. L’aspect genre est beaucoup plus important, c’est une technique particulière, c’est une expertise qu’il faut avoir. Il ne suffit pas de dire qu’il faut privilégier les femmes dans un tel programme, ou projet ; mais de respecter l’aspect genre. L’aspect genre est beaucoup plus complet, donc il faudrait avoir l’expertise, la capacité de pouvoir traduire cela dans les programmes publics qui jusqu’à présent fait défaut au niveau de nos structures publiques.

Jusqu’ou votre direction, votre département est prêt à accompagner ce projet de recherche pendant deux ans ?
Nous allons essayer de trouver des axes de synergie. Cet après midi, on aura l’occasion d’exposer quelques orientations de la politique nationale de l’emploi et vous verrez qu’il ya des synergies assez importantes que nous pouvons avoir.
Déjà concernant l’approche territoriale qu’on veut faire vers les régions, nous avons déjà pris comme point d’appui essentiel les universités décentralisées qui sont au niveau des pôles de développement. L’intérêt, c’est de permettre par la recherche-développement que des étudiants, que des chercheurs puissent se saisir de certaines problématiques locales, qu’ils puissent avec les aspirations ou les besoins des populations, leurs priorités mener au niveau de leurs universités et ou instituts, des recherches qui pourront aboutir sur des recommandations essentielles.
Comme on l’a souligné pour la formation professionnelle, la recherche devrait aussi être une commande. Si c’est une recherche-emploi cela devrait être une commande du marché du travail. Il faudrait partir de certaines difficultés que nous avons pour maîtriser, pour animer notre marché du travail, des problématiques qui nous empêchent de mettre en place correctement nos politiques publiques, si vraiment on veut que la recherche ait une application satisfaisante, il faudrait partir de cette commande, des difficultés, des contraintes que nous avons au niveau du marché du travail pour pouvoir mener des recherches, des études qui peuvent être opportunes. Cela permettrait, de manière judicieuse, d’intégrer certaines conclusions ou certaines recommandations qui pourront être tirées des résultats pour résoudre des problèmes ponctuels.
Certains parlent de régler des problèmes ponctuels, or le but de la recherche c’est de réfléchir sur des problématiques de façon générale. L’un dans l’autre il faudrait arriver, au niveau de nos universités, au niveau de nos institutions de recherche à pouvoir coller entre les réalités de la recherche et les réalités de l’activité.
Comme je l’ai dis, pour l’emploi, comme pour les autres secteurs, il faut être à l’écoute de l’entreprise, des employeurs, bref à l’écoute du marché du travail. Ce sont eux qui doivent commander ce que vous devez faire en termes de formation professionnelle, ce sont eux aussi qui doivent commander ce qui doit être fait en termes de recherche.

Comment appréciez-vous l’idée qui a été soulevée et selon laquelle il faut influencer les politiques publiques ou plus exactement participer au débat sur les politiques publiques au début de l’élaboration de la méthodologie et de la dimension sociale ?
C’est essentiel ! Nous sommes dans des environnements souvent très marqués du point de vue politique, donc pour l’intellectuel, il ne suffit plus de produire des idées. Quelle que soit la pertinence de ces idées, il faut savoir les vendre. Ce n’est pas parce qu’on a fait d’excellentes recherches dans tel ou tel autre domaine qu’automatiquement cela devrait être pris en comme par l’autorité politique. Maintenant l’autorité politique est dans un contexte marqué par des demandes de plus en plus pressantes, souvent même, des types de gestion quotidienne, ce qui fait qu’elle n’a pas le temps de s’intéresser à des activités de prospection. Ce n’est pas seulement pour la recherche mais aussi pour la planification, on a des lacunes. Ce qu’il faudrait, c’est que ceux qui sont investis d’une mission de recherche puissent trouver les voies et moyens de pouvoir amener l’autorité politique à adhérer. Cependant, il y a un ensemble de facteurs, d’initiatives qu’il faudrait prendre pour que les résultats de recherche soient suffisamment attractifs et partager avec un maximum d’acteurs pour pouvoir permettre à ce que l’autorité politique soit mise devant une situation ou elle est contrainte de pouvoir utiliser les résultats de la recherche pour produire des résultats.