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Interactions avec... Ibrahima Hathie, directeur de recherche à Ipar : « Au Sénégal, les subventions ne sont pas ciblées »

Publié le 4 juin 2014

Le quatrième dialogue sectoriel de l’Initiative africaine concertée sur la réforme budgétaire (Cabri), tenu à Dakar, avait pour but d’arriver à une meilleure rentabilisation des financements dédiés à l’Agriculture. En marge de cette rencontre qui a pris fin hier, Ibrahima Hathie, directeur de recherche de l’Initiative prospective agricole et rurale (Ipar), est revenu sur le problème de corrélation entre le taux de croissance agricole et le niveau de financement noté dans certains Etats qui ont commencé à appliquer le protocole de Maputo.

L’Initiative africaine concertée sur la réforme budgétaire (Cabri) essaie de faire le parallèle entre le taux de croissance agricole et le niveau de financement du secteur. Quel commentaire cela vous inspire ?

L’exposé de la Cabri est relativement intéressant dans la mesure où, il essaie de faire le parallèle entre deux indicateurs, notamment le taux de croissance agricole et le niveau de financement. Pour ce qui concerne le niveau de financement, ce qui ressort c’est que les pays n’ont pas atteint le taux de 10% relatif au protocole de Maputo. Certains l’ont dépassé. Mais, l’on se rend compte que les pays qui ont dépassé ce taux, ont parfois des taux de croissance relativement faibles. Donc, il n’y a pas de corrélation entre le taux de croissance agricole et le niveau de financement. Ce qui pose un problème sur l’efficacité de ce financement. La deuxième chose qui ressort de l’exposé, c’est une photographie qui fait l’état des lieux. Cela veut dire que pour le moment, il y a des Etats qui n’ont pas atteint les objectifs fixés. Même si on peut dire que dans les années à venir, ils pourraient l’atteindre.
Mais on peut approfondir davantage cette question. On peut se demander si le fait de demander aux Etats d’allouer 10% de leur budget national est pertinent, dans la mesure où les pays n’ont pas les mêmes réalités, les mêmes priorités en matière agricole. Un pays qui a comme priorité l’agriculture devrait au moins dépasser ce taux de 10%. Par contre, un pays qui fonde son économie sur d’autres secteurs, pourrait ne pas atteindre cela. Je pense que les priorités du pays devraient être prises en compte dans ce cadre-là.

Quelles mesures devrait-on prendre pour rendre les financements injectés dans le secteur agricole plus efficaces ?

Plusieurs mesures. La première, c’est lorsqu’on veut augmenter les financements, comment utiliser ces financements ? Quels sont les sous-secteurs qui doivent porter la croissance ? Où mettre ces financements ? Je donnerai juste l’exemple des subventions. Personne ne dit aujourd’hui que les subventions sont mauvaises. On sait que les subventions peuvent permettre aux producteurs de produire plus. Mais est-ce qu’on cible ceux qui en ont besoin ? Pour le cas du Sénégal, c’est clair que les subventions ne sont pas ciblées. On se rend compte que ceux qui en ont plus besoin n’en ont pas. Par contre, les gens qui peuvent produire sans les subventions, du fait qu’ils sont relativement puissants, peuvent y accéder, au détriment de ceux qui en ont besoin. Le ciblage est un élément important. Le troisième élément c’est au sein même de l’agriculture, qu’est-ce qu’il faut subventionner ? Ces types de questions doivent être posés afin qu’on ait une agriculture beaucoup plus performante.

Durant la cette campagne agricole, beaucoup de problèmes sont notés sur le terrain. Non seulement, la mise en place des semences et autres intrants a connu un retard mais aussi, les prix sont jugés chers ? Qu’en pensez-vous ?

On peut dire qu’on est retourné très loin, si on compare là où on était il y a une vingtaine d’années. Où la question du programme agricole était réglée, vous pouviez avoir une préparation hivernale très tôt. Aujourd’hui, on se rend compte que jusqu’aux mois de juin, juillet, on parle de semences, alors que les semences devaient être mises en place bien avant. Je crois que la réflexion doit être tournée en ce sens-là. A mon avis, c’est la question des subventions qui pose ce genre de problèmes. L’Etat ne dit pas très tôt quel est le niveau des subventions. Les semences ne sont pas disponibles très tôt. Les producteurs doivent être informés à temps. Ils ne savent pas quel est le niveau des prix. Devant certaines surprises, ils n’ont pas intérêt à acheter. Il faut qu’on travaille à mettre en place un capital semencier adéquat. La qualité des semences n’est pas bonne. Si on veut vendre une semence qui n’est pas de bonne qualité, ça pose problème. La difficulté n’est pas en soi la cherté de ces semences, mais la qualité. Si vous avez une semence qui coûte cher, mais qui est de bonne qualité, le rendement va être important et vous pourrez vous rattraper. Mais si la semence est de mauvaise qualité et qu’il n’y a pas de maîtrise sur la campagne agricole, sur les opérations culturales, de la pluviométrie, vous allez hésiter pour dépenser plus, pour avoir des semences. C’est tout un paquet qu’il faut mettre en place pour ré

Avec le retard noté dans l’installation de la pluviométrie, certains acteurs commencent à avoir des craintes…

C’est vrai qu’on a quelques craintes. Je me rappelle que la météo avait fait des prévisions pour dire que l’année sera pluvieuse. Malgré ces craintes, je crois à la météo. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes dans une période où le changement climatique a un impact sur cette variabilité. Ça ne fait que commencer. Les années à venir nous seront dans cette même situation où on n’est pas sûr de quand la saison des pluies va démarrer. Comment va-t-elle se comporter ? Quand est-ce qu’elle va s’arrêter ? Ces questions de variabilité vont nous hanter encore pour longtemps. Et c’est l’une des conséquences du changement climatique. Mais j’ose espérer que la pluie va suivre. Peut-être que les retards actuels ne sont pas trop dommageables. J’espère que le mois d’août sera pluvieux. Et si c’est le cas, on aura un impact moins négatif sur les cultures. ussir en ce sens.

 

Source : http://www.lequotidien.sn/index.php/economie/item/22831-interactions-avec-ibrahima-hathie-directeur-de-recherche-%C3%A0-ipar--au-s%C3%A9n%C3%A9gal-les-subventions-ne-sont-pas-cibl%C3%A9es