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Kisal Senegaal « félicite » le Président Macky Sall pour avoir rendu leurs terres aux habitants de Demette et Dodel

Publié le 4 décembre 2017

Selon des informations parues dans les médias sénégalais ces derniers jours, le Président Macky Sall a mis fin à une injustice (expropriation au bénéfice d’intérêts privés) dans les communes de Dodel et de Démette du département de Podor.

Si cette information se confirme, le Président de la République a agi dans le cadre de la norme républicaine et a remis les choses à l’endroit. Ce qui va dans l’esprit fondamental de l’apaisement qui caractérise la loi du domaine national telle qu’elle avait été imaginée à l’époque par l’ancien Président du conseil MAMADOU DIA, avant son adoption en 1964, dans le cadre de la vulgarisation de sa politique d’animation rurale et l’avènement des coopératives par la circulaire 32 et de la vision stratégique de Kisal Senegaal pour le monde rural.

Il s’agissait pour MAMADOU DIA de contrecarrer les velléités maraboutiques et des traitants de s’accaparer des moyens de productions dont la terre et de monopoliser l’ensemble des circuits économiques ruraux, et de faire de l’Etat, le garant du foncier afin que le paysan et le paysannat soient une des principales forces vives de la nation sénégalaise en capacité d’assurer indépendance et souveraineté alimentaires , en l’absence d’une industrie qui n’était à l’époque que balbutiante et qui a toujours des difficultés à s’affirmer comme un cadre porteur du tissu économique et social sénégalais vers l’émergence.

Pour Mamadou DIA, l’Etat ne peut ni ne doit déposséder, mais au contraire renforcer l’àccès des paysans à la terre et aux moyens de production en facilitant l’appropriation foncière autour de projets économique porteurs qui renforcent le pouvoir du paysan face à des partenaires potentiels et lui facilitent une accès au crédit non usurier grâce à des mécanismes de garanties solidaires que constituent les organisations paysannes ( coopératives et groupements de productions), l’Etat et les collectivités locales et territoriales. En permettant à ceux qui en ont et à ceux qui n’en ont pas d’ accéder à la terre, l’Etat assure autonomie et équité dans la mobilisation des outils et des façons pluriels de lutter contre les précarités et pauvretés en milieu rural, ouvre des perspectives potentielles d’une industrie agricole dynamique offrant des perspectives d’insertions sociales et professionnelles porteuses d’avenirs pour la jeunesse. Le périmètre de Guédé dans le département de Podor et les centres d’animation rurale de Wouro Sogui et de Kolda dès les années entre 1958 et 1960 en sont une parfaite illustration.

Cette perspective que le régime de Senghor a détruit dès les années 1965 avec la régionalisation des programmes de développement régional agricole à travers l’avènement des sociétés d’état tels que la Sodéva, la Saed, la Somivac, la Sodefitex qui se sont plus tard révélées être des gouffres financiers destructeurs du tissu rural et incapables de promouvoir la ruralité, pourrait trouver des réponses adéquates dans l’approfondissement de l’acte 3 de la décentralisation et dans la perspective de la configuration des pôles territoriaux,dès lors que ces nouvelles entités de promotion du développement reprennent en compte les historiographies locales, les périmètres géographiques et identitaires des zones concernées et des populations, leurs capacités à co-construire des dynamiques économiques et les enjeux économiques et sociaux que ces nouveaux pôles portent.

Dans un mémoire de mon diplôme du DEA en sociologie rurale, j’étudiais en 1984, les problématiques et la réforme foncière dans la vallée du fleuve Sénégal au tour d’une grille synoptique des mouvements des populations dans la vallée du fleuve et leurs stratégies d’occupations foncières. Je proposais alors à travers la technique de la généalogie de comprendre la gestion des écosystèmes et les résonances politiques et de dépendances multiformes qui entourent la problématique foncière, pour que dans le cadre d’une mise en valeur, la sociographie foncière locale et les différentes formes de stratifications sociales présentes ne soient pas des obstacles à la promotion du développement co-construit et maitrisé avec les populations locales. La très remarquable thèse de doctorat de Mbaye DIAO sur les enjeux fonciers dans le bassin arachidier sénégalais créait alors une approche comparative significative avec d’autres écosystèmes traditionnels sénégalais que les pouvoirs publics sénégalais ont toujours du mal à prendre en compte dans l’élaboration des plans du développement de notre pays.

Kisal lie la décision du Président de la République à cette perspective et est disponible à apporter sa contribution aux éclairages nécessaires à la mise en œuvre d’une telle problématique nouvelle du développement rural et de la ruralité telle qu’elle semble se dessiner avec l’avènement des pôles territoriaux.

Et c’est dans ce sens que Kisal, en soutenant la lutte des habitants de Dodel et de Démette comme celles des autres populations rurales sénégalaises dont les terres sont menacées par diverses formes d’expropriations dont nombreuses parmi elles ne constituent aucune plus value économique et sociale pour le sénégal et les sénégalais,est entré en contact avec des réseaux et des personnes influentes à Dakar et dans les régions périphériques et du centre du Sénégal pour sensibiliser sur les risques majeurs que constituent pour les populations et le monde rural sénégalais, le bradage des terres par l’ETat, et certains exécutifs locaux des communes rurales et rur-urbaines, en mettant à leur disposition un dossier argumentaire de qualité.

Kisal se réjouit de cette décision du président de la Répubilique , même si elle n’est pas en elle même suffisante. La Restitution de la terre aux habitants de Dodel et de Démette devrait être accompagnée d’une décision politique majeure tendant à créer les conditions par lesquelles une véritable réforme foncière permettrait au paysan sénégalais de s’approprier sa terre,et de sortir définitivement de la logique du permis d’exploiter actuellement en cours au Sénégal et être investisseur par son pouvoir foncier. Car cette méthode d’encadrement institutionnel du pysannat mis en œuvre par les sociétés d’Etat régionales chargées par les pouvoirs publics de promouvoir des programmes agricoles, peine à répondre aux objectifs stratégiques de l’autosuffisance alimentaire et aboutit le plus souvent à l’appauvrissement des paysans, du monde rural sénégalais et à une paupérisation croissante.

Une véritable politique foncière est celle qui met le paysan en confiance,lui donne des envies et des moyens d’intégrer des logiques organisationnelles paysannes co – construites avec l’Etat et les collectivités territoriales et locales,et des acteurs privés qui, dans le cadre d’une mise en oeuvre d’une organisation économique mixte , permet au paysan d’avancer sa terre comme part sociale en investissement et où il est à la fois décideur, acteur et exploitant. Ce qui créerait les conditions stratégiques et organisationnelles de la ruralité qui respecte la sociographie, l’histoire, les identités locales et la géographie des divers espaces du monde rural sénégalais et des zones rur-urbaines à travers leurs potentialités économiques porteuses d’un cadre approprié d’une politique d’autosuffisance alimentaire non extravertie et contributrice à l’émergence du Sénégal et à sa souveraineté.

Mamadou DEME, Sociologue des migrations et du développement local, Président de Kisal Senegaal, Haut conseiller territorial

Source : www.ferloo.com