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Opinion : Acte 3 et erreur de « com » du ministre en charge de la Décentralisation

Publié le 2 juin 2014

« Le Sénégal regorge de patriotes compétents, sérieux, sincères, qui veulent travailler. Nous travaillerons avec ceux qui pensent au Sénégal avant de penser à eux-mêmes » aurait dit le Président Macky SALL tout récemment suite à la démission du tonitruant LO.

L’humilité et la discrétion sont très importantes, surtout si l’on se trouve dans la sphère présidentielle ou dans le gouvernement. Ainsi, je salue ce rappel de la part du premier des citoyens du Sénégal, qui lui même est un exemple à suivre en matière d’humilité et de discrétion.
Cela est d’autant plus vrai que ceux qui font en général plus de bruits sont les moins efficaces en ce qu’ils cherchent à combler les insuffisances par la « com ». Le peuple ne dort surtout pas, soyez en sûrs. Si les résultats du mandat du Président sont positifs, il n’y a aucune raison pour qu’il ne soit pas renouvelé une deuxième fois. Mais faire la « com » est différent de communiquer sur les résultats pour les rendre pérennes et durables et s’assurer de leur bonne utilisation par les bénéficiaires. Car la « com » peut aussi signifier « comédie » ou « commérages » sur des vrais faux sujets, et c’est là, que se trouve le danger si certains cadres du régime ne captent pas très clairement le message du Premier ministre Mme TOURE.

La « com » de Me YOUM le 21 novembre 2013 sur les antennes de la 2STV portant sur « l’Acte 3 de la décentralisation » est considérée par beaucoup d’observateurs dont je fais partie comme un manque flagrant d’humilité et même de connaissance des dossiers de la part du Ministre en charge de la décentralisation. C’est vraiment manquer de respect à tous les acteurs de la décentralisation depuis que le Président Senghor a lancé le processus en 1972 avec la création des communautés rurales, que de considérer que l’Acte 3 est venu d’un simple claquement des doigts et est né avec le programme Yoonu Yokkute.
On l’a appelé l’Acte 3 (« Communalisation ») parce qu’il y a eu Acte 2 (Régionalisation) et Acte 1 (création des Communautés rurales), et qu’il ne pourrait être mis en œuvre et montrer de l’efficacité si les Actes 1 et 2 auront pas produits les effets escomptés en priorité, et que leurs succès et échecs seront bien capitalisés. La décentralisation comme en général les grandes réformes de l’Etat, est un long processus qui dépasse un mandant présidentiel. En 1999, j’ai participé avec le cabinet CIG-Sénégal pendant six mois à l’évaluation du processus de décentralisation au Sénégal pour le compte de la Direction en charge des collectivités locales avec financement de l’Agence canadienne de développent international (ACDI). C’est en ce moment que j’avais compris que la décentralisation est un processus de longue haleine.

Les résultats de cette étude entre autres, ont permis au Gouvernement d’alors avec l’appui de la Banque Mondiale, de renforcer la mise en œuvre de la phase pilote du Programme nationale d’infrastructures rurales (PNIR) dans certaines communautés rurales telles que Ndarma Déali (à 25 km de Touba), Léona (dans la région de Louga), Mbane (près du lac de Guiers, région de Saint-Louis), Sinthiou Bamambé (Région de Matam), etc.. Je salue au passage les différents Présidents de Communautés rurales qui on fait montre de beaucoup de leadership dans ces phases difficiles.

A l’aide de ce programme, le Président Wade a pu renforcer les communautés rurales en mettant en place les secrétaires communautaires, en réalisant beaucoup d’infrastructures rurales, et surtout en introduisant les cadres de concertation ruraux, lieux de démocratie locale, en renforçant la fiscalité rurale, le fonds d’investissement rural, le fonds d’appui à l’innovation pour les activités génératrices de revenus et la création de l’emploi dans les PME et PMI, etc.. J’ai été de 2002 à 2004 l’Expert en charge du Suivi et Evaluation de ce programme pour la zone nord du Sénégal (Matam, Louga et Saint-Louis), et j’écris en connaissance de cause.

Le Président Macky SALL connaît bien le dossier car ayant été sous Wade, Ministre de l’Intérieur en charge de la Décentralisation et ayant été le pionnier de l’unification des deux grands programmes : Agence du fonds de développement Social (AFDS) et le PNIR, pour renforcer la prise en compte dans la décentralisation de la cohésion sociale, des groupes vulnérables et de la dimension genre. Le Président a donc très tôt pris la mesure de ces deux colosses du développement et a impulsé leur fusion pour donner plus de force aux actions et à leur contrôle surtout lorsqu’il est devenu Premier ministre de Wade, ce qui a produit le Programme national de développement local (PNDL).

A mon avis, cette vision d’ensemble, la compréhension de la force de ces programmes et leur prise en charge directe font partie de ce qui fait, entre autres, ce que Macky SALL est devenu aujourd’hui. Cela est d’autant plus vrai qu’il a utilisé les mêmes approches et canaux de ces programmes pour faire le « grand tour du Sénégal » quand il a quitté la Présidence de l’Assemblée nationale et créé son parti (APR), pour recueillir les préoccupations des Sénégalais et jeter les bases du Programme Yoonu Yokkute.

Il n’est point surprenant que le Président Macky fasse de la cohésion sociale et la prise en compte des groupes vulnérables une des trames de fond de son programme de développement du Sénégal (la Stratégie nationale de développement économique et sociale – SNDES). Il est d’autant moins surprenant qu’il prône la mise en œuvre de l’Acte 3 de la décentralisation durant son mandat, avec deux variantes : (i) de recentrer le développement autour du Département en lieu et place de la Région pour rendre le pouvoir local plus proche des citoyens, et (ii) de mettre en place la « communalisation » intégrale pour créer des pôles de développement au niveau de chaque terroir. Cela pourrait l’aider entre autres, à supporter son gigantesque programme de transformation de l’agriculture au Sénégal.

Donc cher Me YOUM, Ministre en charge de la décentralisation, je vous dirais comme un rappeur : « BIN-BIN » dans les « com ». Je pense que certains cadres de la coalition au pouvoir, en charge de la préparation et la mise en œuvre de l’Acte 3, doivent être mieux briefés sur leur sujet afin d’éviter que la mauvaise « com » ne suscite de la résistance dans la mise en œuvre de cette importante réforme pour le Sénégal.

Le 22 novembre 2013

Rahurahan@gmail.com

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