Think tank sur les politiques publiques dans le secteur agricole et rural en Afrique de l’Ouest

Accueil / Stock / Dossiers / 3 - Projet CEDRES IPAR MISELI

3 - Projet CEDRES IPAR MISELI

Publié le 3 juillet 2014

Dans un contexte concurrentiel lié à la mondialisation, les pays d’Afrique Subsaharienne sont confrontés simultanément à deux défis majeurs : une transition démographique inachevée et une transition économique embryonnaire. En effet, cette partie du continent fait face à une forte poussée démographique qui ne s’estompera que vers les années 2050. La population estimée aujourd’hui à 850 millions d’habitants passera à 1,1 milliard en 2025 et à 1 ,7 milliard en 2050 (Losch et al., 2008). Dans ce contexte, la croissance de la population active présente à la fois une opportunité majeure et une menace dans ce sens qu’elle peut être aussi à l’origine de tensions importantes si les économies ne génèrent pas suffisamment d’emplois.

Les effets positifs de la transition démographique ne s’obtiennent pas de manière automatique. Ils requièrent une politique volontariste et pertinente. L’Amérique latine a connu une transition démographique relativement forte mais elle n’a pas pu tirer partie de cette transition du fait d’une politique générale globalement défaillante. Par contre, en Asie orientale, le « miracle économique » est la preuve qu’une transition démographique bien achevée peut aider à créer les conditions d’une croissance économique forte. Un système éducatif fort et des politiques de libéralisation commerciale appropriées ont
permis au dividende démographique d’alimenter une expansion économique spectaculaire de la région. Les données montrent que la croissance du revenu réel par tête a avoisiné les 6% par an entre 1965 et 1990 et le dividende démographique a représenté à lui seul approximativement 20 à 25% de cette croissance.

Au regard de ces résultats contradictoires produits dans différents contextes, l’Afrique devra considérer la question de plus près dans une optique d’accélération de la croissance économique. Par ailleurs, l’Afrique subsaharienne reste marquée par une structure économique faiblement diversifiée. Dans la quasi-totalité des pays concernés, l’agriculture et le secteur informel dominent le tissu économique ; l’agriculture restant la principale source d’activité et de revenus pour la majorité des ménages. L’importance du secteur agricole est mise en évidence avec sa contribution au PIB (environ 20%), son apport de devises et sa prépondérance dans la structure de l’emploi avec plus de 65% des actifs (Losch, 2010). Parallèlement, le secteur informel, essentiellement urbain représente 30 à 45% du PIB non agricole et 70 à 90% de l’emploi total non agricole (Jütting & De Laiglesia, 2009).

Dans un tel contexte et considérant la transition démographique non achevée, les États d’Afrique subsaharienne doivent faire face à une arrivée massive de jeunes sur le marché de l’emploi. Malheureusement, les secteurs agricole et informel sont incapables d’absorber un tel flux de main-d’œuvre (Giordano and Losch, 2007).

En Afrique Subsaharienne, le nombre d’actifs s’accroîtra au moins jusqu’en 2050. Dans les 15 prochaines années (2010-2025), la population active africaine croîtra de 17 millions, dont 11 millions en provenance du milieu rural. Ces cohortes de jeunes actifs à insérer dans la vie professionnelle pourraient constituer un formidable levier pour la croissance économique. Elles posent également la question centrale de l’emploi et des secteurs d’absorption des nouveaux actifs (IPAR, 2010).

Avec l’environnement géopolitique marqué par une forte restriction des mouvements migratoires internationaux réduisant sévèrement les possibilités d’émigration, la jeunesse africaine est contrainte à renoncer à l’émigration internationale et à chercher à s’insérer autant que possible dans le marché de l’emploi au niveau national et régional. Mais, avec une agriculture peu attractive et fortement tributaire des aléas climatiques, un tissu industriel embryonnaire et un niveau d’éducation généralement bas, les opportunités d’emploi restent désespérément limitées. En fin de compte, les jeunes animés d’un grand désir de travailler se trouvent dans une véritable situation d’impasse pour valoriser leur force de travail afin de gagner leur vie, prendre la relève dans leur famille et contribuer au développement socioéconomique de leur pays.

D’un autre côté, malgré l’importance de l’agriculture dans l’économie des pays de l’Afrique subsaharienne et sa contribution attendue pour la sécurité alimentaire, la création d’emplois notamment pour les jeunes et l’éradication de la pauvreté, la situation des ruraux s’est peu améliorée. L’exode rural s’accentue et les campagnes se vident. Les exploitations agricoles s’enlisent dans un processus de dégradation continue et deviennent progressivement des unités d’attaches pour des jeunes actifs (ou actives) partis en ville à la recherche de revenus monétaires pour venir en aide aux familles restées au village.

Les jeunes migrants qui arrivent en ville concentrent leurs activités dans le secteur informel, particulièrement le petit commerce. A travers les rues et les autoroutes de Bamako, de Dakar, et de Ouagadougou comme dans les autres grandes villes de ces pays, les marchands ambulants (des jeunes migrants essentiellement) vendent des articles divers (habits, ustensiles de cuisine, biscuits, jus, café, arachide, autres produits alimentaires ...). Avec l’émergence de la téléphonie mobile depuis quelques années, la vente de cartes téléphoniques occupe désormais une place spéciale dans le commerce ambulant. A côté de ce commerce qui concerne en majorité des jeunes garçons, un nombre non négligeable de jeunes filles/femmes migrantes travaillent comme femmes de ménage. Malheureusement, au-delà des apparences simples, une analyse de la situation, de la littérature et des données existantes montre que ces activités sont davantage des trappes à pauvreté que de véritables activités devant permettre aux jeunes de rentabiliser véritablement leur force de travail.