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4 - L’élaboration de la loi

Publié le 16 juin 2014

Entre 2000 et 2002, une campagne référendaire et deux campagnes électorales influencent les mesures prises pour les programmes agricoles. La subvention élevée du prix de l’arachide, la distribution sans restriction des semences d’arachide et des crédits désorganisent la filière arachidière, entraînent la disparition du capital semencier, alourdissent les impayés de la CNCAS et accroissent le déficit de la SONACOS. A cela s’ajoutent les calamités naturelles : sécheresse, inondations, naufrage du bateau le diola.

L’initiation de la loi

Le refus par l’Etat du dialogue avec le CNCR, la création d’organisations suscitées par le régime, un discours officiel sur l’archaïsme de l’agriculture familiale, sur ses techniques rudimentaires par rapport à l’agriculture d’entreprise et l’agrobusiness (projet Le Sénégal agricole, annexe sur l’agriculture du plan Omega, etc.) seules capables de relever les défis du développement créent une crise de confiance. 
La liquidation de la Sonagraines et l’instauration sans préparation du système carreaux usines qui se traduit par ce qu’on a appelé « les bons impayés » déstabilisent la filière arachide. Une crise agricole, un mécontentement profond du monde rural et la disette obligent l’Etat à prendre des décisions importantes : reprise du dialogue avec les organisations représentatives du monde rural, distribution de vivres de soudure sous le contrôle des OP et des élus locaux, paiement des bons impayés, reprise de dettes de 64 milliards de la SONACOS. 
Face aux revendications des organisations paysannes et à la grande mobilisation organisée par elles en janvier 2003, le Président de la République promet le vote d’une loi d’orientation agricole. Les programmes spéciaux conçus à la hâte et sans concertation, mais fortement financés allaient suivre.

Les consultations

La Présidence de la République met en place un groupe de travail confidentiel qui pendant l’année 2003 rédige un projet de loi d’orientation agricole avec l’aide de membres français de la commission franco-sénégalaise sur l’agriculture. Le ministre de l’agriculture est ensuite chargé d’organiser la concertation sur le projet de loi et veut mener cela au pas de charge. Les ministères, les directions nationales, les institutions publiques et privées, les partenaires au développement donnent leurs avis sur le texte.

La négociation entre l’Etat et les OP

Le CNCR exige une véritable négociation. Il engage un processus interne de réflexion depuis la communauté rurale jusqu’au niveau national en passant par le niveau régional, élabore une analyse critique de la loi et rédige un contre projet complet de loi d’orientation agricole et rurale avant d’engager les négociations avec les représentants du ministère pour le compte de l’ensemble des organisations paysannes (3P et Forces Paysannes).
Avant même le démarrage des concertations, les interventions du CNCR dans les medias soutenus par les partis politiques y compris la coalition politique au pouvoir, les élus et la société civile ont convaincu le Président de la République par l’intermédiaire de son premier ministre de retirer les propositions relatives au foncier. Le CNCR avait engagé depuis début 2000, un processus interne de réflexion sur le foncier en vue de proposer à l’Etat une réforme.
Le texte final a repris en grande partie les positions des OP. Elles ont eu gain de cause sur la plupart des points de discussion pour plusieurs raisons. Le CNCR a mené un processus participatif qui a associé tous ses niveaux de représentation : (i) l’ensemble des CLCOP existants à l’époque et les communautés rurales environnantes ont été systématiquement invitées à ces ateliers ainsi que les élus locaux, (ii) toutes les régions ont tenu leur atelier de réflexion clôturé par (iii) un séminaire national avant la désignation d’un négociateur. Il faut aussi rappeler que le CNCR depuis sa création et à la suite de la FONGS, avait mené plusieurs processus de réflexion interne qui l’avaient préparé à des négociations de ce type : réflexions sur l’agriculture familiale en 1993 et 1994, participation à l’élaboration du PSAOP, projet conjoint FONGS\FAO sur les politiques agricoles 1998\1999, participation à la réflexion stratégique sur la formation agricole et rurale 1998\1999, réflexion interne sur la réforme foncière 2000\2003.  
Le point principal de désaccord a porté sur la place et le rôle de l’agriculture familiale dans les politiques publiques par rapport à l’entreprenariat agricole et à l’agrobusiness. Ces divergences se reflétaient dans les chapitres concernant les statuts des exploitations agricoles, la réforme du foncier et dans l’allocation des ressources publiques (finances publiques, foncier, eau), entre les différentes formes d’agriculture. Cette divergence de fond n’a pas été réglée de façon satisfaisante par la loi. La question foncière a été en grande partie sortie pour être traitée plus tard. En 2006, une commission nationale de réforme du droit de la terre a été mise en place par la Présidence de la république et le ministère de l’agriculture a aussi mis en place un groupe de travail thématique sur le foncier agricole et rural dans le cadre de la mise en œuvre de la LOASP.
Le CNCR avait aussi des ambitions plus larges que l’Etat. La loi d’orientation était une occasion unique de donner un cadre légal à la concertation régulière entre l’Etat et les organisations de producteurs, d’obtenir des avancées en matière de financement de l’agriculture : fonds national de développement rural, aide à l’installation des jeunes agriculteurs, aide à la modernisation des exploitations agricoles, subvention aux organisations de producteurs et aux ONG rurales. La loi permettait aussi de réaffirmer l’importance de l’éducation et de la formation agricole et rurale, la nécessité de soutien, de protection et de subvention à la production agricole.

L’adoption de la loi

La loi a été votée à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale le 25 mai 2004 avec une seule modification : l’ajout d’un article sur le vol de bétail qui avait été supprimé lors des négociations pour prise en compte dans le cadre de la réforme du code pénal.