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APS - Le COVID-19 doit servir de prétexte à une réflexion sur notre souveraineté alimentaire (universitaires)

Publié le 16 avril 2020

Dakar, 15 avr (APS) - La crise sanitaire causée par le Covid-19 doit inciter à « repenser notre système alimentaire », en vue de sa « sécurité », de sa « durabilité » et de sa « souveraineté », estiment Ismael Thiam, médecin et nutritionniste, et Dr Aminata Niang, socioanthropologue.

M. Thiam est également titulaire d’un diplôme de marketing et de communication de l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis, et Mme Niang est chercheure associée à l’Initiative prospective agricole et rurale (IPAR), un centre de recherche sur les politiques publiques relatives à l’agriculture et au monde rural en Afrique de l’Ouest.

Dans une tribune parvenue à l’APS, les deux universitaires estiment que le Covid-19 « devrait nous amener à une réflexion sur un système alimentaire plus durable, à repenser notre souveraineté alimentaire, à l’optimisation de l’utilisation des produits alimentaires issus de nos écosystèmes ».

« Cette pandémie place l’alimentation au cœur de notre survie, par sa centralité, du fait que l’aliment moderne est délocalisé, déconnecté de son enracinement géographique et des contraintes climatiques qui lui étaient traditionnellement associées ».

"Si ce constat est inéluctable, la réflexion pourrait s’articuler autour des enjeux de la mondialisation du commerce des aliments, qui doit être maintenue, mais en même temps, il faut la ‘dé-mondialiser’ et savoir développer l’alimentation locale’’, proposent les deux universitaires.

Ils affirment que l’atténuation des conséquences de la pandémie de coronavirus exige ‘’une approche intersectorielle, interdisciplinaire solidaire, communautaire, nationale et internationale’’.

‘’Les efforts doivent amener à opérer un changement de paradigme pour conjurer les effets conjugués du double fardeau de la malnutrition, des changements climatiques induits par les actions anthropiques et des manipulations biologiques’’, préconisent Ismael Thiam et Aminata Niang.

Les deux universitaires soutiennent en outre que « dans cette période critique de pandémie de coronavirus, il est impérieux de renforcer l’éducation nutritionnelle et de promouvoir la diversification alimentaire qui contribue au renforcement du système alimentaire’’. »Il faut repenser aussi la réglementation de la publicité des aliments néfastes à la santé [dont les additifs], sources de maladies métaboliques (diabète, hypertension, obésité…) accentuées davantage par la sédentarité’’, suggèrent-ils.

Rappelant les rumeurs d’augmentation des prix de certaines denrées alimentaires, ils exhortent les décideurs à "assurer et promouvoir la fluidité du commerce alimentaire en faveur de la sécurité alimentaire et de la nutrition’’.

Ismael Thiam et Aminata Niang leur conseillent également de "soutenir les systèmes alimentaires locaux, en les reliant notamment aux grandes chaînes d’approvisionnement alimentaire’’.

Ils estiment que la sécurité des aliments et la mise aux normes des produits locaux vendus dans les marchés ouverts doivent être l’objet d’une attention particulière. Pour y arriver, les deux universitaires suggèrent de « contrôler le secteur informel de l’alimentation, avec des visites régulières des services d’hygiène et de santé publique ».

Selon les deux universitaires, en plus du renforcement et de l’adaptation des programmes de protection sociale promis par l’Etat, « il faudra y ajouter les besoins nutritionnels, car la sous-nutrition n’inquiète pas souvent, les carences en vitamines et minéraux étant cachées’’. »Il faut renforcer les filets sociaux pour soutenir les ménages vulnérables, à travers des mesures politiques (subventions, aides directes, défiscalisation…) visant à renforcer la résilience des populations rurales, des petits producteurs, des acteurs du secteur de l’informel, des femmes, des personnes âgées, entre autres initiatives à mettre en œuvre", proposent les auteurs de la tribune.

Ils suggèrent « au besoin, [de] faire une cartographie des zones qui risquent l’insécurité alimentaire et la relier avec la carte de la progression du Covid-19, afin d’opérer un bon ciblage des ménages qui ont besoin d’urgence d’une aide alimentaire’’. »Les mesures doivent se focaliser sur la création d’un environnement favorable, pour une adéquation entre l’offre et la demande alimentaires, qui puisse satisfaire les groupes particulièrement vulnérables, s’inscrivant dans les principes de l’autonomie alimentaire."

Source : aps.sn