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Cheikh Oumar Bâ, directeur exécutif d’Initiative prospective agricole et rurale : « Le budget doit d’abord régler les questions de nourriture des Sénégalais et leur emploi »

Publié le 4 juin 2014

Interview de Cheikh Oumar Ba, Directeur exécutif de IPAR, accordé au journal Le Quotidien. C’était en marge du lancement de la plateforme www.maputo10.ipar.sn

Dix ans après la Déclaration de Maputo, quel bilan peut-on tirer ?

En 2003, les chefs d’Etat africains s’étaient engagés à allouer 10% de leur budget national à l’agriculture. Aujourd’hui, dix ans après, nous chercheurs, Ong ou organisations paysannes, on s’est mobilisés dans le cadre de la campagne Cultivons, pour dire qu’on va voir si on a atteint ou pas les objectifs fixés et faire le bilan. Mais c’est un bilan à moitié positif. Sur les 7 pays qui ont atteint les objectifs, 5 sont en Afrique de l’Ouest. Et parmi ces 5, il y a le Sénégal et le Burkina. Mais la question que ça pose, c’est si réellement il y a une qualité de cet investissement ? Si on regarde par exemple avec le Président Wade, on avait eu chaque année un programme spécial. Mais on se rend compte que ces programmes spéciaux n’avaient pas forcement ciblé l’agriculture familiale, qui est aujourd’hui la priorité si on veut résoudre les questions de pauvreté, d’emploi des jeunes, etc. La question qui va être posée, c’est de dire s’il y a de la qualité dans les investissements. Il ne s’agit pas seulement de dire, on a consacré tant de ressources à l’agriculture, mais de dire encore qui en a bénéficié. Est-ce que les femmes, les jeunes ou les exploitations familiales ont été touchés ? Quand on a fait le bilan, on s’est rendu compte que malheureusement, quand les gens disent qu’ils ont atteint les 10%, c’est souvent des budgets de fonctionnement, ou même si c’est allé dans l’agriculture, c’est des tracteurs qui ont été achetés. La question, c’est donc comment arriver à mieux cibler les investissements et les populations auprès desquelles on investit.

 

Qu’est-ce que vous envisagez comme action ?

De notre point de vue, ce qu’il faut faire, c’est de créer un cadre de concertation avec les acteurs, de façon inclusive. Pour que les différents acteurs puissent débattre de ces questions. Parce que c’est une question d’allocation des ressources publiques. On ne doit pas allouer les ressources publiques sans concertation avec les acteurs concernés. Les populations, femmes, jeunes mais aussi les populations rurales. Aujourd’hui, on doit arriver à une certaine priorisation de nos actions politiques. Mais comment arriver de façon régulière à allouer suffisamment de ressources pour augmenter la productivité des exploitations familiales et pour que ce qui s’est passé en 2008, la crise alimentaire et les émeutes de la faim, ne se reproduise pas. Aujourd’hui, si on veut fixer les jeunes dans les villages, il faut investir dans le monde rural. Entre 1980 et 2000, on était dans les politiques d’ajustement structurel où on ne pouvait pas investir où l’on voulait. Mais quand on est sorti de là, on a eu des ressources qui n’ont pas été investies où il fallait.

 

Et donc, vous lancez le débat sur le net. Comment allez-vous utiliser les résultats des discussions ?

On a lancé le débat sur le site de Ipar, avec les autres partenaires de la campagne Cultivons pour débattre de ces questions, voir justement quels enjeux, quelles priorités et comment arriver à investir de façon durable. Les résultats de ces discussions vont être utilisés pour améliorer la veille citoyenne, pour que la société civile dispose d’arguments, mais aussi pour que les décideurs politiques disposent d’éléments pour prendre les bonnes décisions. Y compris les parlementaires qui votent les lois. Quand ils vont voter le budget du Sénégal demain, on veut qu’ils se rappellent que ce budget doit d’abord servir à régler les questions de nourriture des Sénégalais et leurs problèmes d’emploi. Nous pensons que c’est prioritaire et que ça doit se traduire en termes d’investissement de qualité dans le domaine de l’agriculture.

Le Quotidien : mercredi 10 juillet 2013

Source : http://www.lequotidien.sn