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Diagnostic exploratoire des inégalités de genre dans les zones d’intervention du PCR-SAT

Publié le 14 juillet 2023

IPAR a participé du 11 au 12 juillet 2023, à Saint-Louis du Sénégal, à la deuxième réunion du comité de coordination du projet « Prévention des conflits et résilience des systèmes alimentaires transfrontaliers » (PCR-SAT). La réunion fut l’occasion de revenir sur les activités mises en œuvre par chacune des organisations partie-prenantes du projet. IPAR a saisi cette occasion pour partager les résultats de la mission de diagnostic exploratoire des inégalités de genre dans les zones d’intervention du projet (Mauritanie et Sénégal).

Réalisé par IPAR, du 7 au 18 juillet 2023, avec l’appui d’une équipe du GRDR et de Tenmiya, la mission était centrée spécifiquement sur :

  • L’analyse genre des filières arachides et niébé (filières cibles du projet) ;
  • La mise en œuvre de l’approche HIMO sensible au genre ;
  • L’analyse genre des cadres de gouvernance des ressources naturelles ;
  • Les dynamiques existant en faveur de l’inclusion et de l’autonomisation des femmes.

Des filières gangrénées par des problèmes affectant différemment les acteurs

L’Analyse genre fait état de nombreux goulots qui affectent les filières arachides et niébé dans les zones d’intervention (divagation animale avec son corolaire les conflits d’usage des ressources naturelles, difficultés d’accès aux matériels agricoles et aux intrants, rareté de l’eau, faible dynamique organisationnelle, etc.). Il est à noter que ces problèmes affectent différemment les hommes, les femmes et les jeunes. En effet, malgré les dispositifs institutionnels en faveur de l’inclusion économique des femmes, les normes sociales et culturelles continuent de reléguer cette frange de la population aux tâches domestiques et renforcent l’auto-censure des femmes à se déployer dans des activités économiques.

De plus, elles ont difficilement accès à la propriété foncière car n’héritant pas des terres et ayant souvent accès à des terres éloignées et de mauvaises qualités. Par ailleurs, elles n’ont pas les moyens de se doter de main-d ’œuvres agricoles et doivent faire face à un temps de travail domestique volumineux qui leur laisse peu de temps à consacrer aux activités agricoles, etc. Pire, elles peinent à prendre la parole en public et ne sont pas assez formées sur les itinéraires techniques et sur le volet entreprenariat.
Quant aux jeunes, différents cas de figure se présentent pour eux selon les zones.

Par exemple dans la zone de Sinthiou Fissa au Sénégal, les activités agricoles de grande intensité coïncident avec les périodes de « navétanes » (activités sportives autour du football), ce qui explique le déficit de main-d’œuvre en période d’hivernage. En Mauritanie, les jeunes rencontrés ne se retrouvent pas dans le modèle de l’agriculture en vigueur dans leur communauté et préfèrent se déployer dans l’émigration pour s’accomplir économiquement et préparer dignement leur retraite de la vie active selon certains témoignages. Par contre, des jeunes rencontrés à Sagné présentent un modèle économique qui permet d’allier l’activité agricole avec les filières avicoles et piscicultures car convaincus que les filières niébé et arachides ne suffisent pas pour leur assurer des revenus décents les mettant à l’abri du besoin et de la pauvreté.

Une approche HIMO à mettre à l’échelle

L’analyse de l’approche à Haute Intensité de Main-d’Oeuvre (HIMO) met en lumière la disponibilité d’une main d’œuvre féminine développant des aptitudes sollicitées par des travaux à approche HIMO selon le partage d’expérience de Tenmiya. L’approche de Tenmiya place l’équité et l’égalité de genre au cœur de son intervention. Elle mise également sur une communication sociale qui facilite une appropriation et un consensus pour la mise en œuvre d’une politique inclusive et sensible au genre dans l’exécution des travaux à approche HIMO. Pour toutes ces raisons, il est recommandé ainsi de mettre à l’échelle les acquis de Tenmiya dans les zones hors de son champ d’intervention.

Des cadres de gouvernance des ressources naturelles inefficaces

L’étude note une absence de cadres formels de gestion des ressources naturelles. Les comités de surveillance ne sont pas fonctionnels, ne sont pas inclusifs et ne bénéficient pas d’un ancrage communautaire. Par ailleurs, l’absence de primes de motivation des membres de ces comités rendent ces derniers non fonctionnels.
Les femmes sont absentes des initiatives mises en place dans la gestion des ressources naturelles. Les membres des comités de surveillance agissent pour la plupart du temps pour la lutte contre les feux de brousse et la coupe du bois. Il est noté également un manque de formation pour la protection de l’environnement.

Renforcer les dynamiques existantes en faveur de l’inclusion des femmes et de l’autonomisation des femmes

En guise de recommandations, l’étude préconise de :

  • Vulgariser les dispositifs mis en place en faveur de l’inclusion des femmes dans le secteur agricole ;
  • Renforcer la dynamique organisationnelle des femmes dans les filières niébé et arachide
  • Renforcer la culture et l’éveil entrepreneurial des femmes et des jeunes évoluant dans le secteur agricole
  • Redynamiser les cadres de gouvernances de gestion des ressources naturelles existant et non fonctionnels
  • Mettre à l’échelle l’expérience Tenmiya pour une approche HIMO sensible au genre
  • Sensibiliser les autorités administratives, des collectivités territoriales, des organisations de producteurs.trices sur les enjeux de genre dans les filières agricoles particulièrement dans les filières niébé et arachide

Le projet "Prévention des conflits et résilience des systèmes alimentaires transfrontaliers (PRC-SAT) est un projet de trois ans (2022-2025) financé par l’AFD et mis en œuvre par un consortium constitué du GRDR (chef de file), de l’IPAR (Sénégal), IRAM (France) et Tenmiya (Mauritanie).
Il vise à contribuer à la prévention des conflits liés à l’usage des ressources naturelles, à améliorer la sécurité alimentaire et favoriser l’accès à une source de revenus décents au Sénégal et en Mauritanie (OG), deux pays de l’Initiative de la Grande Muraille Verte. Spécifiquement, il s’agit de renforcer durablement la résilience des systèmes alimentaires des communes transfrontalières du Sénégal et de la Mauritanie grâce à des initiatives de gestion concertée du potentiel en protéines végétales des ressources agro-sylvo-pastorales et de développement économique.
Le projet intervient sur deux zones frontalières : l’aval de la Falémé (communes de Bélé, Gathiary, Sinthiou Fissa et Toumboura au Sénégal) et la « zone de Maghama » (communes de Toulel, Sagné et Wompou en Mauritanie et communes de Dembacani et Bokiladji au Sénégal).
Dans le cadre de la mise en œuvre du PRC-SAT, IPAR est chargée d’appuyer méthodologiquement les enjeux genre du projet.
Il s’agit concrètement de :
- Mesurer et analyser le niveau d’autonomisation des femmes, leur capacité d’agir et leur inclusion dans la production et la commercialisation des légumineuses (arachide et niébé) dans les zones transfrontalières de la Mauritanie, du Sénégal et du Mali ;
- Produire des analyses-synthèses et mettre en débat avec les acteurs concerné.es ;
- Mesurer et analyser l’impact de l’action sur la réduction des inégalités liées au genre.

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