Think tank sur les politiques publiques dans le secteur agricole et rural en Afrique de l’Ouest

Accueil / Nos Publications / Études et recherches / Etude et recherches / Liaison de l’Assurance Indicielle Basée sur les Indices Climatiques au Crédit (...)

Liaison de l’Assurance Indicielle Basée sur les Indices Climatiques au Crédit Agricole au Sénégal : Une Evaluation Formative des Contraintes et Supports à la Demande

Publié le 9 août 2018

Cette étude financée par l’International Initiative for Impact Evaluation (3ie), a mobilisé des chercheurs de l’UGB, de l’IPAR du CRDES et de l’ODI. En partenariat avec la CNAAS, Planet Guarantee Sénégal, l’ONG ADG et l’Organisation Paysanne COOPEC/RESOPP, elle a permis d’analyser les déterminants de la demande d’assurance agricole indicielle des bénéficiaires du projet OSIRIS (Offre de Services Intégrés en Milieu Rural pour l’Inclusion Sociale) dans les régions de Kaolack et Fatick.

Résumé


La liaison de l’assurance basée sur un indice climatique avec le crédit ou d’autres intrants agricoles est considérée comme un moyen possible de remédier au faible taux de souscription à l’assurance de la part des agriculteurs dans les pays en développement. La liaison entre ces deux produits peut aider les agriculteurs à surmonter les contraintes de liquidités auxquelles ils sont confrontés pour payer la prime d’assurance au début de la saison des pluies et devrait également réduire le risque de défaillance de paiement car les indemnisations sont utilisées pour rembourser les prêts en cas de sinistre. Bien qu’il semble y avoir un large consensus sur les avantages potentiels de la liaison entre l’assurance indicielle et le crédit agricole, la façon dont elle est le mieux mis en œuvre pour stimuler l’adoption et maximiser les avantages est moins claire. Au Sénégal, la Compagnie Nationale d’Assurance Agricole (CNAAS) collabore avec des institutions de microfinance et des organisations paysannes pour vendre l’assurance indicielle aux agriculteurs à travers leurs canaux préexistants. Ces intermédiaires décident ensuite s’ils offriront une assurance soit comme complément obligatoire au crédit, soit comme complément volontaire à leurs clients ou leurs membres.

Dans cette évaluation formative ou étude exploratoire, nous testons ces hypothèses autour des contraintes à la souscription de l’assurance et comparons trois possibilités de se liaison avec le crédit agricole dans un contexte de contraintes de liquidité et de disponibilité / accès limité aux services financiers. Pour faire face à ces défis, deux des trois possibilités de liaison impliquent également une incitation à prendre l’assurance qui la considère comme un supplément partiel à la garantie apporté par les producteurs pour accéder au crédit. Cela améliore l’accès au crédit pour les agriculteurs ayant des actifs insuffisants pour faire office de garantie auprès des institutions de microfinance, ce qui renforce la crédibilité de leur remboursement.
L’étude a porté sur 346 agriculteurs ayant sollicité un crédit auprès de l’institution de microfinance d’un réseau coopératif (COOPEC / RESOPP) dans les régions de Kaolack et Fatick au Sénégal dans le cadre du projet OSIRIS (Offre de Service Intégrés en Milieu Rural pour l’Inclusion Sociale (OSIRIS). Une analyse expérimentale à partir d’un Essai Randomisé Contrôlé (ERC), une enquête, des entrevues avec des personnes ressources et des focus group ont servi à déterminer l’option de liaison de l’assurance indicielle avec le crédit qui est préférable pour les producteurs, les organisations paysannes et institutions de crédit ainsi que l’assureur. L’option de liaison préférée devrait aussi permettre d’augmenter le niveau de souscription à l’assurance indicielle.

Au cours de l’étude, les demandeurs de crédit ont été attribués au hasard aux options de liaisons avec l’assurance indicielle suivantes :

  • Assurance obligatoire avec incitation
  • Assurance volontaire avec incitation
  • Assurance volontaire sans incitation

Les agriculteurs devaient donc décider s’ils achèteraient l’assurance indicielle ou non au moment de la demande de crédit, sachant que cela pourrait être bénéfique pour leur accès au financement. Les proposition d’offre de l’assurance indicielle aux producteurs ont été effectuées par les agents de la COOPEC/RESOPP, qui collectent et gèrent généralement les demandes de crédit et sont également responsables des ventes du produit d’assurance même en l’absence de cette étude.
Nos résultats suggèrent que le fait que l’assurance indicielle soit liée de manière obligatoire ou volontaire au crédit n’est pas n’influencent pas le taux de souscription dans un contexte où les agriculteurs dépendent du financement externe pour leurs activités agricoles. En effet, les agriculteurs s’attendent à ce que la souscription à l’assurance facilite l’accès au crédit et facilite les remboursements après une mauvaise saison des pluies. Le taux de souscription moyen des agriculteurs par les demandeurs de crédit de la COOPEC/RESOPP était de 72,5%, sans différence statistiquement significative entre les trois groupes d’options de liaison au moment de l’expérience.

Toutefois l’enquête de suivi a révélé une légère préférence statistiquement significative pour la liaison volontaire avec incitation. Lorsque la liaison offre la possibilité de préfinancer la prime par crédit pour éviter les paiements de primes en espèces au début de la campagne agricole, la plupart des agriculteurs semblent accepter d’acheter l’assurance indicielle. Du point de vue exclusivement de l’assurance, l’assurance indicielle pourrait donc être inclus systématiquement dans un ensemble de services indivisibles dans des contextes d’exclusion financière où les personnes luttent pour acquérir les intrants nécessaires au démarrage de leurs activités agricoles.

Néanmoins, même si les indicateurs de participation sont prometteurs, la perception d’un risque de base élevé semble jouer un rôle important sur la décision des personnes à ne pas acheter l’assurance indicielle. En outre, 23,3% des personnes à qui l’option de liaison obligatoire avec incitation a été proposé était prêt à renoncer à leur demande de crédit, et les résultats montrent que pour les femmes, la demande de crédit était encore beaucoup plus faible lorsque l’assurance indicielle et le crédit était lié ensemble de manière obligatoire. Bien que cette dernière ne soit pas statistiquement significative, elle implique la nécessité de considérer plus généralement les effets négatifs potentiels de la liaison obligatoire sur l’inclusion financière.

Cette étude contribue au débat sur ce que l’intégration de l’assurance indicielle dans l’offre de crédit implique pour le taux de souscription et le développement de l’assurance agricole. La seule compagnie d’assurance agricole actuellement en activité au Sénégal (CNAAS) propose que plus d’institutions de microfinance et d’organisations paysannes intègrent l’assurance dans le paquet de services qu’ils fournissent à leurs clients et aux agriculteurs. Il semble donc urgent d’évaluer les impacts nets que l’assurance indicielle, en combinaison avec d’autres services, a sur la résilience et le bien-être sur le long terme. Enfin, il est nécessaire de suivre l’évolution des taux de souscription aux produits groupés (assurance indicielle et crédit agricole) au fil du temps. En d’autres termes, il faudrait trouver les réponses aux questions suivantes :

  • Sur le long terme, les agriculteurs continueront-ils à acheter l’assurance indicielle comme complément obligatoire au crédit ?
  • Étant donné que l’assurance obligatoire devrait entraîner une baisse du montant des primes à payer (en raison des économies d’échelle), quelles seraient les conséquences sur la décision des agriculteurs ?

Seules les réponses à ces questions permettront de valider systématiquement l’utilisation d’une liaison obligatoire pour offrir l’assurance indicielle à travers des institutions de microfinance ou organisations de producteurs qui serviront d’intermédiaires pour l’assureur.

L’étude a été coordonnée par Mame Mor Anta Syll (Laboratoire de Recherche en Economie de Saint-Louis (LARES- UGB) et réalisée en partenariat avec l’IPAR, l’UGB, et ODI