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M. Alain Diouf, Directeur du Foncier et des réformes institutionnelles MCA

Publié le 1er juin 2014

En marge de la réunion du groupe de travail des bailleurs de fonds sur développement rural et sécurité alimentaire (GTDRSA), Monsieur Alain Diouf, Directeur du Foncier et des réformes institutionnelles, Millennium Challenge Account (MCA) a accepté de répondre à nos questions

Pouvez-vous revenir sur la présentation que vous venez de faire ?

J’étais venu présenter le modèle de sécurisation foncière développée par MCA dans la vallée du fleuve Sénégal. Un modèle de sécurisation foncière qui est très localisé mais dont le but est d’être généralisé au niveau national. Nous avons aussi travaillé avec des partenaires trouvés sur place, notamment le PACR et la SAED. Ce modèle est bâti autour de trois piliers essentiels : les acteurs, les outils et l’espace. D’abord nous avons cherché à comprendre et à maitriser ces trois piliers :

  • L’espace :Qui exploite ?A quel titre il exploite ? Comment il a accédé au foncier et quelles sont les spéculations qui sont développées ?
  • Les outils :Quels sont les outils de sécurisation foncière qui sont utilisés dans la zone en essayant de voir quelles sont les imperfections et qu’est ce qu’on peut apporter de plus en terme de corrections.

Les acteurs : Quels sont les acteurs institutionnels qui gèrent le foncier ? Quels sont les problèmes de gestion du foncier ?

La mise en cohérence de ces trois piliers nous permet d’arriver à ce qu’on a appelé la bonne gouvernance foncière dans les zones de projet.L’objectif est de mettre en place des procédures justes, transparentes et équitables et des procédures qui soient réducteurs de conflit dans nos zones de projets.

Quelle appréciation faites-vous de l’étude sur la gouvernance foncière réalisée par IPAR, en partenariat avec la Banque mondiale ?

Il faut reconnaitre que j’ai été très séduit par la profondeur des investigations et des résultats. Je crois qu’ils ont trouvé une très bonne base de travail. D’abord en identifiant qu’est ce qui marche et qu’est ce qui n’a pas marché.

C’est en fait cela qui constitue la base du travail. Jusqu’à présent on a rencontré des problèmes mais tout n’est pas mauvais, comme le soulignent les auteurs du rapport. On peut consolider ce qui a bien marché et, pour ce qui l’a été moins bien, essayer de voir les expériences en cours qui permettent de les corriger : qu’est ce qu’on peut faire ou imaginer pour arriver à une bonne gouvernance foncière. Cette gouvernance foncière devrait naturellement être orientée vers la sécurité alimentaire et vers la croissance économique. La sécurité alimentaire doit avoir comme socle les exploitations familiales, poursuivre l’objectif de croissance économique, tout en s’ouvrant aux investissements extérieurs.

Je crois que c’est cette synergie entre agriculture familiale et investissements privés massifs qui nous permettra aujourd’hui de résoudre les problèmes liés à la sécurité alimentaire et à la croissance économique et par voie de conséquence de régler le problème de l’emploi.

Comment le MCA compte soutenir l’Etat dans la mise en place d’une gouvernance foncière inclusive et participative, à la suite de la mise sur pied de la CNRF ?

Nous avons déjà travaillé avec la plupart des partenaires impliqués sur cette question et comptons nous ouvrir aux autres acteurs notamment à IPAR et autres. Ils ont eu une bonne idée de capitalisation et je crois que ce sera un fort moment d’échanges entre les différents acteurs impliqués dans la problématique. Au niveau de la commission nationale de réforme foncière (CNRF), nous comptons aussi apporter des expériences qu’on a développées dans nos zones de projets. Mais d’emblée et je le disais tantôt nous ne pensons pas à une réforme uniformisée sur le territoire national.

Je ne sais pas ce que cela va donner mais je crois que si on a une bonne loi de base qui est applicable et qui pose les principes, les grandes procédures, et à coté de cela des règles spécifiques dans chaque zone, que ce soit dans la Vallée du fleuve, en Casamance ou au centre du Sénégal, je crois qu’on pourrait réussir. Il ne faut pas qu’on se précipite comme on l’a dit tantôt.

La question foncière est une question très sensible, il ne faut pas casser la réforme avant qu’elle ne commence. Il y a des choses qui peuvent être faites immédiatement mais d’autres qui demandent des négociations, des discussions, et peut-être même une information, qui demande à être clarifiées dans l’esprit des différents acteurs.

Voyez-vous dans la mise en place de la CNRF une réponse adéquate pour résoudre tous les problèmes du foncier au Sénégal ? Dans quelle mesure comptez-vous apporter votre soutien ?

J’avoue que les problèmes liés au foncier sont assez vastes et sont parfois même liés à d’autres questions qui ne relèvent pas forcement du foncier. Quand aujourd’hui on parle des aménagements, parce que qui parle d’aménagements parle du foncier, derrière il ya le problème de l’emploi des jeunes. Si on prend le code du travail par exemple, on note qu’il n’est pas adapté au travail dans les aménagements, au travail saisonnier, au travail agricole. Il faudra faire une réforme à ce niveau. Sur un autre plan, au niveau même de la perception de l’agriculteur, du métier d’agriculteur, il ya un problème. Aujourd’hui les jeunes sont en ville, ils chôment à près de60% mais si vous leur demandez d’aller cultiver la terre, ils refusent parce que quelque part derrière il ya une grande politique publique qui n’a pas joué son rôle et je veux parler de la politique d’éducation. On doit éduquer aujourd’hui nos jeunes à se préparer à ces métiers qui sont des métiers d’avenir. Je pense que c’est ce genre de réflexion qui est complémentaire à la réforme foncière qu’on doit faire pour arriver à des résultats probants.

Sur un tout autre plan, que pensez-vous de l’affirmation selon laquelle les exploitations familiales peuvent nourrir le Sénégal ?

Je ne dirais pas non, mais je crois qu’il faut un peu relativiser. Si on interroge l’histoire, les organisations de producteurs sont présentes depuis bien longtemps mais jusqu’à présent on n’a pas atteint l’autosuffisance alimentaire. Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas le faire mais je crois qu’ils ont besoin d’un soutien. D’où viendra ce soutien, est ce qu’il viendra de l’Etat ou des investisseurs privés qui vont venir à côté d’eux les accompagner et leur servir de levier pour que demain ils puissent fondamentalement reprendre le relais et passer d’exploitations familiales à des exploitations industrielles ? Je crois que c’est un domaine de réflexion qui est très intéressant. Je ne crois pas qu’à l’état actuel, avec le mode de fonctionnement actuel, avec le mode de tenure et d’exploitation actuel que ces exploitations familiales nous permettront d’arriver à l’autosuffisance alimentaire.

Pour y arriver, nos pays ont besoin d’investissement étranger, mais dans la mesure où il est maîtrisé et bien organisé. Il ne doit pas venir déstructurer l’exploitation familiale. Si l’investissement étranger vient pour renforcer, pour servir de levier à cette exploitation familiale je dirais bravo. C’est ce que nous essayons de faire au niveau de MCA Sénégal.

Voir l’actualité consacrée à la présentation des résultats de l’étude sur le Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière au Sénégal (CAGF)