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Pr Mahamadou Zongo de l’Université de Ouagadougou, Directeur de l’UFR/sciences humaines, membre du comité pilotage du PPR POLMAF

Publié le 1er juin 2014

En marge de l’atelier qui s’est tenu à Dakar du 7 au 9 septembre 2013, au Campus international de Hann co organisé par l’IRD, le CODESRIA et l’IPAR sur le thème « Terrains revisités en migrations africaines », le Professeur Mahamadou Zongo de l’Université de Ouagadougou, Directeur de l’UFR/sciences humaines, en outre membre du comité pilotage PPR POLMAF nous livre ses impressions.

En tant que membre du comité pilotage PPR POLMAF, pouvez-vous nous parler de ce programme ?

Le PPR POLMAF qui est le Programmes Pilote Régionaux Politique Publique et Mondialisation en Afrique de l’ouest met l’accent sur la capacité de l’état à transformer la société. Comme on le sait bien, dans les années 80 la volonté de diffuser l’économie libérale a fini par démanteler la plupart des Etats africains. On s’est rendu compte que cela a créé beaucoup des problèmes parce que l’absence de l’état crée une source d’insécurité pour l’ensemble de l’humanité et pouvait faciliter l’émergence de groupes susceptibles de déstabiliser non seulement les pays mais l’ensemble du continent voire la planète.

Pour ce qui concerne POLMAF, il ya 8 axes de recherches dont la migration mais il y a aussi des axes sur la santé, l’éducation, le tourisme, les mines, le genre, la pauvreté. En sommes il y beaucoup d’éléments qui sont pris en compte par POLMAF. Pour la migration, c’est essentiellement les migrations internes, intra africaines qui sont abordées.

Peut on avoir une idée du phénomène migratoire en Afrique et plus spécifiquement en Afrique de l’ouest ?

La tendance actuelle des migrations ouest africaines laisse apparaître qu’elles sont d’abord orientées essentiellement vers les pays de la sous région. Il s’agit de migrations intra-africaine avant d’être des migrations vers l’Europe. Ces dernières sont souvent médiatisées mais elles concernent moins de 20% de la migration ouest africaine qui se caractérisesurtout par leur aspect intracommunautaire.Il y a ensuite les migrations vers l’Europe, les Etats Unis mais aussi vers le Maghreb qui reçoit de plus en plus de jeunes qui souhaitent transiter vers l’Europe ou pour y rester.

Dans un contexte de crise économique mondiale, la migration surtout vers l’Europe constitue t-elle toujours un facteur de développement pour les pays d’origine comme ce fut le cas au cours de décennies passées ? Les zones de destinations sont elles toujours les mêmes ?

Pour le deuxième aspect de la question, il faut dire qu’il y a une diversification des zones de destination puisque les pôles traditionnels sont actuellement « saturés », ce qui fait qu’il y a une diversification des zones qui est liéeaux nouvelles opportunités d’emplois qui s’offrent à ces jeunes. Pa exemple un pays comme l’Italie a commencé à émerger grâce auxpossibilités d’insertion dans le milieuinformel. De nouvelles destinations migratoires apparaissent également comme le moyen orient, l’Amérique et l’Europe du nord, notamment les Etats-Unis.

Par rapport à la première partie de votre question, je reste toujourspartager puisque je pense que ceux qui partent le font parce qu’ils ont des espoirs qui ne sont pas satisfaits dans leur pays d’origine ou dans les pays traditionnels d’accueil comme la France, même elle constinue d’être une destination importante pour les ressortissants de l’Afrique de l’Ouest comme le Mali et le Sénégal.

La question est de savoir comment cesnouveaux départs parviendraient à compenser les transferts de fonds.

Personnellement je reste assez sceptique parce que ce n’est pas la quantité ou l’importance des sommes transférées qui vontfaire le développement mais leur domaine d’utilisation. Du coup on peut se poser des questions en l’absence d’études approfondies pour savoir comment ces fonds sont utilisés et quelles sont les stratégies que les états mettent en place pour capitaliser ces transferts.

Mon scepticisme s’explique également par le fait que ceux qui partent sont des jeunes et parfois même des personnes qui ont des niveaux de scolarisation assez élevés. Je pense qu’on ne peut pas tabler sur la migration pour développer un pays. Je ne suis pas contre la migration mais je pense qu’il faut réfléchir pour que ceux qui partent puissent éventuellement trouver des possibilités sur place. Au cas contraire s’ils partent qu’on essaie de voir comment rentabiliser ce qu’ils envoient. A priori je ne pense pas qu’on puisse dire que la migration représente une perspective de développement seulement à partir des transferts de fonds.

Dans un contexte de mondialisation peut-on avoir une idée de l’avenir du phénomène migratoire en Afrique ?

Ce qui est sur c’est que les migrations vont s’intensifier, non seulement de l’Afrique vers les autres continents mais l’Afrique constitue également un terrain de prédilection pour les migrants d’ailleurs.

Dans les présentations, un collègue a parlé de la migration des chinois. Dans les 50 ans à venir on risque de se retrouver avec 20 millions de chinois dans notre continent et plusieurs cas de métissage seront notés.

Ce qui est clair c’est qu’on ne peut pas mettre un terme à la migration. Je pense même que la mondialisation actuellement en cours facilite ce phénomène.

A défaut de pouvoir l’interdire, ce qui n’est pas possible, il faut essayer de voir dans quelle mesure on peut les organiser pour éviter les manipulations politiciennes des questions migratoires. Si vous prenez l’Europe actuellement, ou les migrations africaines sont considérées comme des invasions, les travaux montrent que les migrations africaines vers l’Europe constitue une infime partie des migrations internationales au départ de l’Afrique. Cependant la manipulation politicienne finie par des stigmatisations et parfois débouche sur des comportements pas très honorables.

Pour parler d’actualité, que vous inspire la catastrophe de Lampedusa ?

La catastrophe de Lampedusa montre que le phénomène de la migration n’est pas seulement africain mais il s’agit d’un phénomène global, international.

Il y a eu beaucoup de syriens parmi les victimes. A ce titre, un collègue déclare avec humour que les « syriens avaient à choisir pour leurs poumons entre le gaz sarin en Syrie ou l’eau au bord de Lampedusa ».Ce phénomène démontre aussi que la volonté d’ empêcher que les aspirations des peuples soient réalisées chez eux pourrait se traduirepar ces types de drames.

Lampedusa, au delà des chercheurs, devrait interpeller l’ensemble des dirigeants de notre continent sur ce que nous devons faire pour protéger ceux qui n’aspirent qu’à vivre décemment. Si espérer vivre décemment doit causer la noyade de centaine de personnes nous devons être interpellés dans notre conscience citoyenne.