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Réforme foncière, immatriculation des terres- Le secteur privé s’impatiente

Publié le 27 octobre 2015

Si le Sénégal veut inciter les investisseurs à s’engager dans le secteur agricole et les autres activités liées à la terre, il a intérêt à passer du droit d’usage au bail, et même au titre foncier. C’est ce qui ressort de l’atelier de partage qui a eu lieu vendredi dernier entre le secteur privé et la commission nationale de réforme foncière.
La Commission nationale sur la réforme foncière (CNRF) a eu hier un atelier d’échanges et de partage avec le secteur privé. L’objectif a été de présenter aux investisseurs le travail à mi-parcours de la CNRF et de recueillir leurs observations. Le patronat a certes exprimé quelques inquiétudes, mais ce qui le préoccupe surtout, c’est l’aboutissement du travail entamé par le professeur Moustapha Sourang et son équipe. L’essentiel des interventions a été axé sur l’urgence de terminer les travaux, afin que les terres soient réellement attribuées aux investisseurs et aux usagers.
En fait, le régime foncier au Sénégal est dominé par le domaine national. Or, la loi sur le domaine nationale pose problème, en ce sens qu’elle ne prévoit ni la transmissibilité, ni l’aliénabilité encore moins la cessibilité des terres. Ce qui veut dire que ceux qui sont considérés comme les propriétaires ne disposent pas de droit réel. D’après le Pr Sourang, président de la CNRF, il n’y a que 152 000 titres fonciers dans tout le Sénégal. Autrement dit, l’essentiel des terres se trouve hors du commerce légal.
Ce qui constitue un obstacle à la fois pour les investisseurs, l’agriculture familiale et le financement de l’activité. Pour les acteurs économiques, il y a un problème de garantie qui se pose. Les investisseurs ne peuvent pas mettre leur argent dans une terre dont ils ne maîtrisent pas le destin foncier. Les particuliers disposent de grandes superficies qu’ils auraient pu exploiter en les hypothéquant. Ça leur permettrait donc d’accéder aux crédits. Les institutions de microfinances sont bloquées par l’inexistence de garanties foncières.
Dans les tribunaux, 50% des contentieux ont une origine foncière
“Nous sommes attentifs et impatients de voir les résultats. Il faut aller vers l’immatriculation des terrains à usage d’exploitation. Nous avons toujours voulu apporter notre participation dans le financement, mais la garantie reste un obstacle”, relève Mamadou Lamine Guèye, représentant du secteur de la microfinance.
Une impatience qui s’explique aussi par le fait que rien ne garantit que la réforme aboutira. Entre 2002 et 2011, cinq réformes ont été initiées. Aucune n’a abouti. “On fait la moitié du chemin et à la veille des élections, on évite de mécontenter les acteurs’, souligne Moustapha Sourang. Toutefois, ce dernier affirme avoir noté une volonté réelle de changement de la part du président de la République.
Par ailleurs, bien qu’ayant hâte de voir la réforme aboutir, le secteur privé a des recommandations sur la manière de conduire les affaires. Des préoccupations qu’il partage avec la commission. Les deux parties semblent être soucieuses de l’accueil qui sera réservée à la réforme, en d’autres termes, le défi de l’appropriation.
Car, l’état des lieux montre que des textes élaborés entre quatre murs ont généré des conflits sur le terrain. 50% des contentieux dans les tribunaux ont une origine foncière. Par conséquent, pour que la population adhère, il faudrait que le processus soit inclusif, mais aussi qu’il prenne en compte les réalités. Les principes directeurs sont clairs à ce niveau. La CNRF doit veiller à “concilier la sécurisation des exploitations familiales et la promotion de l’investissement”. Autrement dit, “adapter le système foncier aux nécessités de développement”, tout en préservant la paix sociale.
Au nom de l’État ou des collectivités ?
La reconnaissance de droits fonciers réels, transmissibles et cessibles, est donc une nécessité. Mais là aussi, un certain nombre de questions se posent. Faut-il immatriculer au nom de l’État ou au nom des collectivités. Cette dernière option ne semble pas convaincre la population, d’après le Pr Ablaye Dièye, membre de la commission. Une thèse confirmée par un intervenant qui demande lui aussi à ce que les terres ne soient pas immatriculées au nom des collectivités, du fait de la mauvaise gouvernance et des considérations politiciennes. Sa remarque a fait l’objet d’acquiescements de la part de certains de ses pairs.
Pour ce qui est de l’immatriculation au nom de l’État, deux options se présentent. Soit L’État transfère les terres en pleine propriété aux collectivités locales, soit il leur accorde un bail emphytéotique. Dans le premier cas de figure, les collectivités locales pourront délivrer des baux aux usagers qui pourront les exploiter, les hypothéquer ou les céder. Dans le deuxième cas de figure, les collectivités seront réduites à accorder des sous-baux, ce qui est presque un retour à la case départ. Puisque le sous-bail n’offre pas les mêmes garanties que le bail.
Serigne Mboup a d’ailleurs été le premier à exprimer son désaccord à une telle hypothèse. Il demande que des titres fonciers soient directement délivrés aux usagers. Seule garantie qui peut booster les investissements et attirer les finances. Enfin, la commission compte doter le pays pour la première fois d’un document de politique foncière tout en mettant en place un dispositif de suivi de la réforme.

Source : http://www.rewmi.com/reforme-fonciere-immatriculation-des-terres-le-secteur-prive-simpatiente.html