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Robert Sagna, ancien Ministre de l’agriculture

Publié le 1er juin 2014

Ancien Ministre d’état, Ministre de l’agriculture du Sénégal de 1993 à2000, Monsieur Robert Sagna nous a accordé une interview sur son appréciation sur l’évolution des politiques agricoles au Sénégal. C’était en marge de la table ronde sur le PSAOP, animée par IPAR et regroupant des décideurs politiques, des bailleurs de fonds et des leaders d’OP. Cette rencontre s’est tenue àl’occasion de l’atelier de réflexion organisé par l’IFPRI, en partenariat avec la Banque Mondiale et la FAO sur le thème : « Organisations de Producteurs en Afrique, Bilan et Perspectives  ».

1. Monsieur le Ministre d’Etat, quelle appréciation faites-vous, en tant qu’ancien Ministre en charge de l’agriculture, de l’évolution du mouvement paysan sénégalais ?

J’apprécie positivement leur rôle et constate qu’elles ont parcouru un chemin important dans la structuration mouvement paysan, aussi bien au niveau de la base que celui du sommet (CNCR). Toutefois, elles sont confrontées d’abord àun problème de manque de ressources humaines compétentes. Il leur faut donc àmon avis pour être de bons partenaires vis àvis des bailleurs de fonds bilatéraux, multilatéraux, ONG, comme vis àvis du gouvernement, un encadrement de valeur pour que sur le plan institutionnel elles puissent peser sur les politiques de développement.

2. Au Sénégal, le PSAOP est une étape importante dans l’implication des Organisations de producteurs dans la conception et dans l’exécution des programmes nationaux. Quelles sont, selon vous, les difficultés de sa mise en Å“uvre. Quels sont les enseignements que vous en tirez ?
Vous avez bien raison parce que le PSAOP est un des instruments qu’on a pour la première fois mis au point au Sénégal pour permettre aux producteurs d’être moins des sujets que des acteurs pour les impliquer d’avantage dans les prises de décisions et les programmes, les stratégies qui les concernent. Ce qui leur manque aujourd’hui, ce sont des appuis institutionnels pour pouvoir avoir plus de ressources humaines de qualité.
Enfin il leur faut participer au niveau national àtoutes les décisions de planification des programmes et des projets, àtoutes les stratégies que l’Etat met en place pour aller de l’avant. Je crois que c’est fondamental si on veut aller de l’avant, si on veut d’avantage impliquer les populations àla base. Enfin, il faut que dans le cadre institutionnel et administratif, je veux parler de la décentralisation, qu’elles aient leur part en considérant les élus locaux comme des interlocuteurs pour mener des politiques locales qui répondent aux priorités et aux besoins de ces collectivités locales.
Il faut aussi que le PSAOP et ses organes ne s’enferment pas dans un vase clos àl’intérieur du Sénégal, nous vivons dans un monde ouvert, ce qu’on appelle la mondialisation, il faut tenir compte, pour tracer des politiques agricoles cohérentes, des exigences du marché mondiale. Si on produit pour exporter, il faut tenir compte des contraintes de ce marché. Il faut aussi qu’en leur sein, elles organisent des formations pour recycler et pour s’imprégner des contraintes techniques qu’exige chaque zone écologique.
C’est la raison pour laquelle, il faut qu’elles travaillent avec les organismes regroupées en filières : les producteurs d’arachides, de riz, de tomates, d’arachides, de coton, d’oignons, des fruits et légumes, pour être plus efficaces. La plupart des ces filières sont organisées et il faut que ces organisations intègrent les dynamiques en cours au niveau des structures de filières pour être d’avantage efficace.

3. En tant qu’ancien Ministre de l’agriculture, quelles appréciations faites vous des politiques agricoles ?
Actuellement, ce que je déplore c’est l’absence précisément de politiques agricoles claires, l’absence en matière de développement rural au sens large, d’une politique cohérente, d’une planification visible qui permet àmoyen et long terme de savoir ou on va. Ce que je déplore aussi c’est l’abandon d’un appui décisif au monde rural qui fait que l’agriculture sénégalaise est en déclin. En outre je déplore qu’on ne mette pas suffisamment l’accent sur la maitrise de l’eau qui est un élément essentiel, sur la maîtrise des semences sélectionnées, sur la maîtrise d’équipement en matériels agricoles qui est quand même très important.
En matière pédologique, je déplore aussi le manque d’amélioration de la fertilité des terres. On abandonne les terres, on n’amende plus, on n’apporte plus suffisamment d’engrais, et ceci est grave lorsqu’on habite dans une zone soudano-sahélienne comme la notre. Par conséquent, je pense également qu’il faut que le gouvernement reprenne aussi d’une manière plus cohérente sa politique vis àvis des producteurs. Nous avons des filières, nous avons diversifiés nos cultures mais il faut un appui plus solide. Lorsque le budget de l’état ne mobilise même pas 10% pour encadrer et aider les 70% de la population sénégalaise, parce que c’est la proportion qui vit de l’agriculture au sens large, je trouve que c’est déplorable.
On ne peut pas se développer sans le secteur agricole et malheureusement je constate que l’appui de l’Etat au monde rural n’est pas suffisant. Or, pour lutter contre la pauvreté il faut tout faire pour accroitre la production agricole. Ce n’est pas étonnant qu’en matière de développement agricole d’une manière générale, nous régressons. Il faut que le gouvernement actuel revoie sa copie en matière de priorité.
C’est ce que je souhaite pour permettre ànotre pays de décoller sur des bases solides et ses bases ne peuvent pas être autres que celles de l’agriculture au sens large.

[Voir l’article sur "Organisations de Producteurs en Afrique :Bilan et Perspectives"->374]