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actunet.sn - Trois questions à cheikh Oumar Ba, ipar « la NASAN n’a pas encore produit les effets escomptés  »
Publié le 30 juin 2016
Cheikh Omar Ba est le directeur exécutif de l’Initiative prospective agricole et rurale(Ipar), une structure de recherche et d’encadrement spécialisée sur le monde rurale. Dans cet entretien, il tire un bilan de la mise en œuvre de la Nasan.
Quel regard portez-vous sur la Nasan, quatre ans après son lancement ?
Cheikh Omar Ba : Lancée par le G8 en 2012, la Nouvelle alliance pour la sécurité alimentaire et la nutrition (Nasan) est une initiative visant à promouvoir l’investissement privé en agriculture à travers la mise en œuvre de réformes par les gouvernements africains participants. Le but consiste à améliorer l’environnement des affaires afin d’inciter le privé à combler le gap de financement de l’agriculture africaine. La Nasan se déroule dans 10 pays africains, dont le Sénégal.
La Nasan a suscité des espoirs pour ses promoteurs et de craintes, voire de la défiance pour certaine, notamment la société civile. En effet, certains considèrent que les efforts d’arrimer la NASAN aux Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (Pddaa) sont louables. Plusieurs experts et organisation ont toutefois dénoncé la Nasan comme une nouvelle forme de colonialisme imposant des changements de politique aux gouvernements concernés, notamment en ce qui a trait aux lois semencières, foncières et fiscales. Ainsi, la Nasan n’aurait pas véritablement pour objectif l’amélioration de la sécurité alimentaire mais plutôt l’ouverture des marchés africains aux multinationales de l’agrobusiness.
Est-ce que le bilan d’étape est positif ?
Pour l’instant la Nasan n’a pas encore produit les effets escomptés en termes d’augmentation des investissements privés, dans la mesure où la majorité des compagnies impliquées avaient déjà prévu les activités consignées dans leurs lettres d’intention. Les entreprises participantes ne bénéficient d’aucun financement. La Nasan n’a pas non plus conduit à l’arrivée de nouveaux investisseurs au Sénégal. De même, la plupart des montants que les partenaires techniques et financiers ont promis sous l’égide de la Nasan avaient été programmés avant le lancement de cette initiative. Finalement, le gouvernement sénégalais avait planifié plusieurs engagements listés dans le cadre de la Nasan. En bref, la Nasan semble servir du réchauffé.
D’après vous, l’espoir est-il toujours permis ?
Toutefois, la Nasan n’a pas eu non plus les effets catastrophiques sur l’agriculture familiale tel qu’annoncés dans d’autres pays participants, même si cette initiative privilégie évidemment l’agriculture industrielle. La Nasan au Sénégal n’a pas conduit à des cas d’accaparement de terres dans la mesure où la plupart des investisseurs ont conclu des arrangements contractuels avec les producteurs. Les pays africains sont également sous pression afin de modifier leurs lois semencières, mais il ne semble pas que la Nasan représente un facteur déterminant en ce sens au Sénégal. Davantage d’investigations sont toutefois nécessaires à ce sujet.
Bien que ses impacts directs soient limités, il faut néanmoins voir la Nasan comme une initiative supplémentaire visant à transformer le cadre règlementaire de l’agriculture africaine dont les effets à terme peuvent être importants.
Propos recueillis par Mamadou SARR