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IPAR se penche sur les défis d’une utilisation responsable et inclusive de l’Intelligence Artificielle (IA) en Afrique

Publié le 3 avril 2023

Dans le cadre de l’édition 2023 de la Journée Internationale de la Femme célébrée sur le thème « Pour un monde digital inclusif  : innovations et technologies pour l’égalité des sexes », Ipar a organisé, le mardi 27 mars, un Webinaire axé sur « les défis d’une utilisation responsable et inclusive de l’Intelligence Artificielle (IA) au prisme des politiques et de la recherche en Afrique ».

Au sein de IPAR, plusieurs projets de recherche (GRAIN, DUA, AgriDATA) sont axés sur l’IA responsable qui est un outil puissant qui peut stimuler le développement de l’Afrique. Toutefois, elle peut être génératrice d’inégalités, si elle n’est pas utilisée de façon responsable.

L’accès aux données et aux technologies ainsi que l’impérieuse nécessité d’assurer la fiabilité et la sécurité des données sont des défis en Afrique. À cet effet, les politiques, les institutions internationales, le secteur privé doivent travailler ensemble pour maximiser les avantages de l’IA. Ces acteurs peuvent mettre en place des mécanismes pour investir dans l’infrastructure, pour réguler afin de saisir l’intérêt des technologies numériques afin de promouvoir la diversité et l’inclusion.
Pour une bonne intégration de l’égalité des sexes dans l’utilisation de l’intelligence artificielle, le panel virtuel régional, modéré par Dr Marame Cissé, experte en genre à IPAR a permis d’aborder différents défis en lien avec l’IA, notamment, le développement des applications et algorithmes pour réduire les écarts entre les sexes dans le domaine de l’IA en Afrique.

Cinq (5) intervenant.e.s du Sénégal, de la Côte d’Ivoire et du Maroc ont posé la problématique du renforcement des pratiques favorisant l’inclusion numérique, l’accès aux technologies et l’entrepreneuriat féminin. La mise en œuvre de politiques en faveur d’une IA responsable et inclusive et les stratégies de sensibilisation à encourager en direction des décideurs et entrepreneurs autour des opportunités d’une inclusion des femmes dans la transformation digitale en Afrique.

Introduisant la thématique du webinaire, Dr Marame Cissé a rappelé que la thématique de cette année est une invitation à interroger les défis de l’accès des femmes au numérique. L’accès aux innovations et aux technologies digitales est un enjeu clé de développement. Les écarts entre les hommes et les femmes dans l’accès au numérique compromettent le développement au regard du rôle des femmes et de l’importance de ces technologies dans la vie quotidienne.

Selon le rapport Gros plan sur l’égalité des sexes 2022 d’ONU Femmes, l’exclusion des femmes du monde numérique a réduit de 1 000 milliards de dollars le produit intérieur brut des pays à revenu faible et intermédiaire au cours de la dernière décennie . Cela doit pousser les décideurs à prendre en compte les perspectives et les besoins spécifiques des différents groupes de la société, notamment les femmes, les personnes et communautés marginalisées, dans le développement et le déploiement de l’IA. Les pratiques innovantes et les mécanismes politiques et les recommandations qui favorisent l’égalité des sexes dans le secteur du numérique ont tour à tour été discutés par les panélistes.

Agir sur les politiques et la synergie d’actions pour favoriser l’inclusion numérique

Charlette N’guessan, entrepreneure ivoirienne et spécialiste en IA, a soutenu que l’IA offre de belles perspectives mais peut présenter des failles préjudiciables à son utilisation positive et responsable d’où la nécessité de réguler le secteur pour minimiser les risques liés à ces failles.

Abondant dans le même sens, Alpha Seydi Ba expert en média et communication (Sénégal) a insisté sur la nécessité de renforcer la volonté politique autour de la promotion d’un leadership inclusif sur l’IA, un changement des paradigmes, l’investissement dans la formation, notamment pour les femmes etc. Les documents de planification économique, les stratégies etc. sont autant de leviers sur lesquels il est possible d’agir.

Pour amener les politiques à agir, M. Ousseynou Gueye, Directeur de Polaris Asso au Sénégal suggère un plaidoyer fort axé sur les problèmes spécifiques que les femmes rencontrent : cyber-harcèlement, protection des données personnelles etc. Les échelles pour agir ne sont pas seulement locales, elles sont sous-régionales et régionales. Revenant sur les niveaux de gouvernance, Charlette N’guessan a rappelé le travail important en faveur d’un déploiement responsable de l’IA du Groupe de haut niveau de l’Union Africaine sur les technologies émergentes (APET par AUDA-NEPAD).

Formation, sensibilisation et sécurisation des données personnelles : des leviers à actionner pour accélérer l’inclusion numérique

La réduction des écarts de genre dans le domaine de l’IA en Afrique est une entreprise complexe. Elle nécessite selon Salma Gherraby, Fondatrice de Business Innovation (Maroc), une approche holistique et inclusive. Dans sa présentation intitulé Les défis d’une utilisation de l’IA.pdf Mme Gherraby, plaide pour la promotion des algorithmes inclusives et la création d’ une culture d’entreprise inclusive, la formation des développeurs en IA aux enjeux de genre, l’implication des femmes dans la conception de l’IA et la sensibilisation à l’IA et au genre .

Dans le même sillage, Nadine Zoro Directrice, DigiFemmes Programme (Côte d’Ivoire), appelle à considérer le digital comme une opportunité et non un endroit hostile pour les femmes. Elle encourage les femmes à aller vers les technologies numériques et à les utiliser plus souvent. Elle renseigne que la majorité des femmes (en Afrique) n’ont jamais travaillé avec un ordinateur, c’est souvent le cas des femmes qui vivent en milieu rural.

En plus de l’accès, la question de l’appropriation des technologies par les femmes se pose. Ainsi par des formations adaptées les informations les plus basiques doivent donc être mises à leur disposition. Elle a en outre ajouté qu’il faut offrir un environnement entrepreneurial aux femmes dans leur diversité. Les pratiques qui favorisent l’inclusion numérique, l’accès aux technologies et l’entrepreneuriat féminin dans et par le numérique doivent prendre en compte la diversité des situations des femmes et leur offrir des outils et solutions sûrs.

La gouvernance, la régulation et la confiance des mécanismes incontournables pour promouvoir les technologies

Selon Charlette N’guessan, l’IA offre de belles perspectives mais peut présenter des failles préjudiciables à son utilisation positive et responsable d’où la nécessité de réguler le secteur pour minimiser les risques liés à ces failles. D’après elle, il faut rattraper l’écart entre l’Afrique et l’occident par rapport à l’IA, en s’assurant que les solutions développées répondent au besoin de l’Afrique et soient inclusives. Elle recommande aussi de définir les régulateurs entre parties prenantes de l’IA mais également d’intensifier la politique des infrastructures, définir les politiques qui renforcent l’accès et encadrer l’utilisation de l’intelligence artificielle.

Revenant sur les aspects de gouvernance, M. Ousseynou Gueye,a indiqué que l’utilisation responsable de l’IA repose également sur la confiance ainsi qu’une bonne gouvernance inclusive. Selon lui, le renforcement de la confiance dans l’utilisation des technologies numériques pour leur appropriation positive par les femmes, à travers la sécurisation des données personnelles et des outils numériques est un impératif pour inciter plus de femmes à leur adoption.

Les échanges ont fait ressortir l’essentiels des défis qui se posent mais également plusieurs pistes de solutions pour une utilisation responsable de l’intelligence artificielle à savoir, l’inclusion des femmes et des jeunes, la formation, l’accès aux données et à la connectivité, l’investissement dans les infrastructures, les politiques adaptées aux besoins des femmes, la sensibilisation et le plaidoyer pour une meilleure régulation et gouvernance, la recherche transformative etc.

Pour conclure la session, Dr Laure Tall, directrice de recherche à IPAR a fait remarquer qu’il est temps de se mettre en ordre de bataille au regard des investissements et des nombreux projets qui sont mis en œuvre dans le continent africain. Des pistes existent pour faire converger l’ensemble des actions et les mettre en synergie. C’est le temps de l’action et de l’action synergique. A cet effet, elle prône l’investissement dans la recherche, dans la connaissance pour les jeunes et les femmes car l’IA ainsi que les outils technologiques ne doivent pas être vus comme des outils très complexes et hors de portée. En perspective, IPAR envisage prochainement de tenir un webinaire en anglais sur la même thématique.