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Investissements dans le secteur agricole : Dix ans après, Maputo toujours trop loin

Publié le 4 juin 2014

Dix ans après, seuls 7 pays ont tenu l’engagement de Maputo en allouant au moins 10% de leur budget au secteur de l’agriculture.

En 2003, les chefs d’Etat africains prenaient l’engagement, àtravers la Déclaration de Maputo, d’allouer au moins 10% de leur budget au secteur de l’agriculture. 10 ans après, l’engagement n’est pas totalement tenu. En conférence de presse hier, Oxfam Grande-Bretagne a voulu, en partenariat avec quelques autres associations et Ong, marquer l’anniversaire de la Déclaration et en tirer un bilan. « Le bilan est en partie positif » souligne Cheikh Oumar Bâ, directeur exécutif de Initiative prospective agricole et rurale (Ipar), qui se félicite que 7 pays ont franchi ou dépassé cette barre des 10%. Parmi eux, 5 sont des Etats de l’Afrique de l’Ouest. Il s’agit du Burkina Faso, du Niger, de la Guinée, du Sénégal et du Mali. Mais la situation n’est pas pour autant reluisante. Elle est même préoccupante, selon les intervenants àla rencontre, puisque même dans ces pays où les 10% sont atteints, on ne constate pas d’impacts significatifs.

Les Programmes nationaux d’investissement agricole (Pnia), dont beaucoup de pays se sont dotés, ne sont suivis d’aucune mise en Å“uvre. Facile alors de pointer les raisons de l’échec. Selon Moustapha Dia du réseau Billital Marrobe, il faut chercher dans « l’opportunité et la qualité des investissements mais aussi dans un budget mal orienté ». A titre d’exemple, M. Dia évoque le bilan du Programme d’appui àl’élevage (Papel). Pendant dix ans, le programme a mobilisé 10 milliards de francs, mais les 80% de cette somme sont allés aux frais de fonctionnement du programme. Pour Mamadou Alassa­ne Bâ, de l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en savane (Apess), l’échec des politiques agricoles est le résultat du manque d’engagement des pouvoirs politiques. Il estime que « les chefs d’Etat ont utilisé l’engagement de Maputo pour négocier avec les bailleurs ». Mais en tout état de cause, le ciblage des investissements est un des principaux facteurs qui expliquent l’inefficacité des efforts consentis dans le secteur agricole ces dernières années.

Pour Cheikh Oumar Bâ, les programmes spéciaux que le Sénégal a connus ces dix dernières années sont illustratifs de la mauvaise qualité des investissements. Une tendance qui se poursuit d’ailleurs avec le nouveau régime, qui vient d’annoncer en grande pompe la mise àdisposition de 5 000 tracteurs. Est-ce que cela répond aux besoins des agriculteurs, s’interroge M. Bâ qui rappelle que dans la Déclaration de Maputo, les chefs d’Etat ont convenu d’introduire « des politiques et stratégies spécifiques au profit des petites exploitations traditionnelles des zones rurales ».

Ces exploitations familiales sont au cÅ“ur du système agricole dans les pays africains. Selon une étude menée par l’Apess, chaque exploitation familiale fait vivre 24 personnes pendant 9 à10 mois. Aussi, la solution reste-t-il, selon le Dr Mamadou Ama­dou Ba, de « renforcer les mo­yens qui leur sont alloués, de renforcer la sécurité foncière et de promouvoir l’accès àdes crédits de longue durée ». Pour Eric Hazard, res­ponsable de la campagne Cultivons d’Oxfam, « on ne peut pas développer un secteur qui concentre 60% de la population sans lui donner des ressources minimales. C’est en faisant des investissements qualitatifs dans l’agriculture une priorité que les gouvernements pourront assurer la souveraineté alimentaire » et éviter le spectre des crises alimentaires de 2008. Pour ce faire, Oxfam et ses partenaires lancent une plateforme de discussion en ligne. Sur le site www.maputo10.ipar.sn, Ipar a installé une plateforme de recherche et de valorisation des analyses de la société civile sur l’investissement agricole en Afrique de l’Ouest.

 

Source : le Quotidien du mercredi 10 juillet 2013