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Pape Abdoulaye Seck au SIA de Paris : La diaspora invitée à un retour, sans crainte, à l’agriculture

Publié le 2 mars 2015

« L’agriculture est la force motrice pour un Sénégal émergent ». C’est le slogan des autorités sénégalaises lors de la journée de communication dédiée au Sénégal, qui s’est tenue samedi au Salon international de l’agriculture de Paris. La stratégie de mise en œuvre du volet agricole du Pse a été au cœur des échanges entre la diaspora et Pape Abdoulaye Seck, ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural.
Répondant à Ibrahima Camara, membre de la diaspora sénégalaise en France, sur l’accès au foncier, Papa Abdoulaye Seck est revenu sur la position du Sénégal et de l’Afrique sur le plan mondial. « La terre tend de plus en plus à être le pétrole de notre époque », a constaté, dans un premier temps, le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural.
Ne pas accepter un marché foncier rural
« Aujourd’hui, dans le secteur agricole, si l’avenir du monde se trouve en Afrique, c’est que notre continent est un vaste champ en chantier. Le Sénégal est dans une dynamique qui veut que non seulement nous devons nous nourrir (autosuffisance) en riz, mais notre pays a l’ambition d’en exporter plus tard. La terre et l’eau se raréfient dans un continent comme l’Asie. A titre illustratif, un pays comme la Chine a perdu en 10 ans des millions et des millions d’hectares », a dit le ministre.
« C’est à nous de nourrir le monde et non l’inverse. Nous ne devons pas accepter un marché foncier rural car la terre pourrait être achetée par d’autres et les Sénégalais se replieraient dans les grandes villes. Un pays qui n’a pas une base productive ne peut pas être indépendant. C’est pourquoi nous disons qu’il ne faut pas confondre la sécurisation de l’investissement privé du transfert définitif de propriété. La terre peut être sécurisée sans transfert définitif de propriété. Dans notre logique, nous pensons qu’un investisseur qui veut s’installer au Sénégal doit discuter avec les collectivités sur la base d’un cahier des charges axé sur un partenariat gagnant. Cela veut dire que l’investisseur va disposer d’un bail dont la durée dépendra du volume de son investissement et que l’investisseur va contribuer à l’amélioration de la vie rurale à travers une piste de production qui traverse le village, des chainons d’irrigation, un transfert de technologie… ».
D’après M. Seck, « l’investissement privé ne peut prospérer sans qu’il y ait des interactions et des interfaces entre secteur privé et exploitations familiales ». C’est dans cette logique que le gouvernement du Sénégal a mis en place une commission réfléchissant sur la réglementation de la question foncière que préside le professeur Sourang. « La diaspora peut donc investir et avoir une sécurisation de l’investissement », a tenté de rassurer le ministre.
Les pistes de production
Sur ce thème, M. Seck a évoqué des « pertes post récoltes pouvant aller de 20 à 100 % en fonction de l’enclavement des zones. Les coups de commercialisation augmentent à cause du déficit d’infrastructures. Le gouvernement du Sénégal en a conscience et tout un programme sur les pistes de production est en cours. Rien que cette année, le Sénégal a pu réhabiliter et entretenir plus de 150.000 km de pistes de production. C’est une priorité du gouvernement du Sénégal ».
L’agriculture, une réponse à l’émigration clandestine ?
« La question serait comment faire pour qu’il y ait aussi un exode urbain, selon M. Seck. Il faut que les jeunes, dans les villes et en milieu rural, puissent travailler. Pour cela, il faut trouver, en milieu rural, des revenus conséquents et stables. Nous avons un programme où un actif peut disposer de 0,4 hectare et obtenir des revenus qui vont de 864.000 FCfa à 1,5 million de FCfa. Un tel jeune aura tout naturellement intérêt à rester en milieu rural que d’aller en ville. C’est une réponse économique à travers une agriculture rentable ».
L’avance des Africains sur l’agro-écologie
« Le Sénégal est dans une logique d’« agro-écologie », c’est-à-dire produire plus et mieux », a défini le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural. « L’agro-écologie, c’est aussi la prise en charge de trois enjeux majeurs : socioéconomiques, sanitaires publiques et environnementaux. Quand nous parlons d’agriculture productive et durable au Sénégal, cela fait référence à une agriculture qui nourrit le présent mais aussi celle qui ne compromet pas la satisfaction des besoins des générations futures. Le Sénégal a même servi au monde le concept de pont générationnel ou d’approche générationnelle, environnementale et agricole. Les générations vont communiquer pour un meilleur équilibre à travers une recherche de qualité. Les pays africains sont en avance sur ceux du nord en agro-écologique. Ces derniers, à force d’intensifier leur agriculture, peuvent difficilement dire qu’ils font de l’agro-écologie ».
Autosuffisance régionale puis nationale : le cas de Kédougou
M. Danfakha, un Sénégalais de l’extérieur, s’est ouvertement inquiété de la capacité agricole de Kédougou à nourrir les populations de la région dont il est originaire. « Kédougou nourrit-il Kédougou ? », a-t-il demandé la délégation sénégalaise.
Affirmatif, pour M. Seck qui reprend, à son compte, la formule avant de l’élargir. « Nous estimons que le Nord peut contribuer (dans l’autosuffisance nationale, ndlr) à hauteur de 60 % et 40 % pour les autres zones, notamment pour le riz. Le Sénégal a des variétés de riz à très haut rendement, ce qui peut nous permettre de passer à 1,5 tonne à quatre voire six tonnes à l’hectare. Si nous accélérons la reconstitution du capital semencier, il est possible d’utiliser ces variétés. Il y a 20 ans, nous étions très contents d’avoir cinq tonnes à l’hectare au Nord, aujourd’hui, nous pensons disposer d’autant de récolte dans les autres zones du pays, et c’est grâce aux progrès techniques. Compte tenu de la dynamique pluviométrique, Kédougou doit nourrir Kédougou grâce à l’utilisation des progrès techniques. Pour l’exploitation des bas-fonds, nous avons déjà aménagé plus de 400 hectares, cette année, nous allons avoir des périmètres irrigués villageois, maraîchers. C’est valable pour Kédougou, Kolda (avec la réhabilitions du bassin de l’Anambé). Nous sommes pour une agriculture de rupture ».
Allier riziculture et pisciculture, c’est possible
« Je vous rassure, je suis au courant », a plaisanté Pape Abdoulaye Seck sur la réflexion taquine d’un Sénégalais de l’extérieur demandant au ministre s’il était au courant que c’est possible d’allier riziculture et pisciculture. « A l’heure actuelle, c’est déjà le cas au Sénégal avec des projets qui combinent les deux. Quand nous parlons de riz, il s’agit de système à base de riz : cela peut être la pisciculture, l’arboriculture fruitière, le maraîchage… Nous ne sommes pas dans une logique de système cultural tout court mais de production. Nous encourageons les producteurs à être dans cette logique, nous allons lutter contre ce risque (système cultural) grâce à une diversification des cultures ».
Assainir l’environnement des affaires
« Qu’est-ce que le Sénégal compte faire sur l’environnement des affaires ? », s’est inquiétée la diaspora en France. « La détaxation du matériel agricole fait partie de l’assainissement des affaires, a plaidé le ministre Seck. La subvention du matériel agricole procède dans ce sens ainsi que la reconstitution du capital semencier pour doper la productivité et la compétitivité. L’institutionnalisation d’un fonds de commercialisation des produits stratégiques participe à l’environnement des affaires. Nous disons qu’il faut une recherche agricole forte, capable de générer des connaissances et des technologies pour être dans une dynamique de productivité. C’est aussi l’environnement des affaires. Si nous voulons changer l’agriculture, il faut de la technologie mais surtout assainir l’environnement de la production, de la commercialisation et des infrastructures d’accueil. Il en est de même pour la valorisation de la production agricole ».
Plus d’eau dans le Ferlo
« Nous avons un ambitieux projet qui consiste à transférer de l’eau du fleuve Sénégal vers le Ferlo (Thiès, Diourbel, Louga…). Le projet va bientôt voir le jour. L’Etat va subventionner les matériels comme les motopompes. Cela participe à doper la productivité agricole ».
Biogaz
« La généralisation des pratiques de biogaz va augmenter la maîtrise de l’énergie pour doper davantage l’agriculture au Sénégal ».
Projet de chambre d’agriculture du Sénégal
Pape Abdoulaye Seck a révélé que le gouvernement était « dans une dynamique de création de grandes Chambres d’agriculture au Sénégal pour que l’Etat puisse avoir une porte d’entrée et une synergie de nos forces d’intervention pour la construction d’une agriculture plus forte afin de faire face aux besoins exprimés ».

Source : http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=45008:pape-abdoulaye-seck-au-sia-de-paris-la-diaspora-invitee-a-un-retour-sans-crainte-a-lagriculture&catid=78:a-la-une&Itemid=255